Google-BML, chronique d'un accord houleux

À la fin 2015, Google aura terminé, avec six ans d'avance et dans une indifférence totale, sa mission de numérisation du fonds ancien de la bibliothèque municipale de Lyon. Soit 400 000 ouvrages. Retour sur un partenariat qui a fait couler beaucoup d'encre.

En 2008 et jusqu'à la fin 2009, la bibliothèque municipale de Lyon a eu droit à son lot d'articles de presse reprochant son pacte avec le « diable » Google, en vue de numériser l'ensemble du fonds ancien de la BML, soit un peu plus de 400 000 ouvrages français, libres de droit (contre les 450 000 à 500 000 inscrits dans le contrat). « Atteinte à l'exception culturelle française », « Lyon brade son patrimoine », pouvait-on lire. Un accord (très) critiqué, tant par les médias que par certains professionnels aux positions dogmatiques s'inquiétant des ambitions et des conditions de l'Américain dans ce programme.

Une opération réalisée en cinq ans

« Que Google ait un objectif de rentabilité, c'est légitime. En revanche, lui confier une mission d'intérêt général sans garantie de pérennité, c'est regrettable. On n'est pas à l'abri d'un arrêt de service, d'un abandon pur et simple du projet de numérisation le jour où cette entreprise ne trouvera plus l'activité rentable », s'inquiétait Christophe Geourjon, alors conseiller municipal MoDem de Lyon, dans l'hebdomadaire Télérama.

Cinq ans plus tard, loin des critiques, l'opération de numérisation est sur le point de s'achever dans la plus grande discrétion. Et le résultat, de l'avis de Pierre Guinard, conservateur et responsable des collections à la bibliothèque de Lyon, est « satisfaisant ». « Les conditions ont été remplies suivant le cahier des charges défini », souligne-t-il. Autrement dit, Google s'est engagé « dans un délai maximum de 10 ans » - finalement il en aura mis cinq - à numériser à la main - « on voit parfois des traces de doigts », remarque le conservateur - dans un lieu proche, « situé à 50 km à vol d'oiseau de la bibliothèque », les collections patrimoniales. Et de restituer chaque fichier en vue de leur conservation et de leur diffusion sur la plateforme de la bibliothèque, baptisée Numélyo.

Une exploitation sur Google Books

En retour, le géant américain peut exploiter commercialement les fichiers et les diffuser sur Google Books (20 millions d'ouvrages disponibles). « Nous considérons que notre mission est de rendre l'information universellement accessible en faisant tomber les freins à l'accès mais également de rendre ces fonds pérennes », commente Santiago de la Mora, directeur des partenariats pour Google Livres. Une aubaine pour la bibliothèque de Lyon qui ne dispose pour l'heure que de 8 000 ouvrages sur sa plateforme numérique en raison d'un équipement informatique non adapté. « Être présent sur Google Books est important, car il s'agit du plus gros réservoir au monde. Cela nous offre une grande visibilité », justifie Pierre Guinard.

Bibliothèques Lyon

« Nous en aurions eu pour 1 000 ans »

Cette mission, que les syndicats n'ont d'ailleurs pas critiquée, la BML n'aurait pu la supporter financièrement. Patrick Bazin, directeur de l'établissement de 1992 à 2010, avait estimé l'investissement à 60 millions d'euros. « Si nous avions réalisé cette numérisation de masse avec nos petits moyens, nous en aurions eu pour 1 000 ans », remarque Pierre Guinard. Google avait donc été la seule entreprise à répondre favorablement à l'appel d'offre de la mairie de Lyon, lancé en 2005. « France Télécom, entreprise française, ne s'est même pas manifestée », souligne Patrick Bazin qui souhaitait, avec cette initiative, rendre accessible au plus grand nombre la richesse du fonds comportant notamment la Collection jésuite des Fontaines.

À l'été 2008, l'Américain et la Ville de Lyon signaient donc l'accord. « Gérard Collomb était enthousiaste », se rappelle Patrick Bazin. Ce n'est pas le cas de Frédéric Mitterrand, à l'époque ministre de la Culture qui était contre ce « monstre ».

« On s'est fait critiquer par des gens qui n'ont pas cette vision lointaine, de mettre le numérique au service d'un projet », indique Georges Képénékian, premier adjoint à la Ville de Lyon.

À la fin décembre, la mission lyonnaise de Google s'achèvera donc. Et la fermeture du centre de numérisation devrait suivre. L'Américain « s'engeant bien sûr à accompagner la quinzaine d'employés ».

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