French Tech, Grenoble, la challengeuse

Berceau de l'informatique académique et référence internationale en matière de nanotechnologies, Forte d'un tissu de startups diversifiées, Grenoble s'est naturellement portée candidate au label French Tech, avec le souhait de réunir les synergies métropolitaines voisines et dans l'espoir de rendre la région Rhône-Alpes plus forte.
Manifestation de soutien pour la candidature de Grenoble French Tech.

Au début du mois de juillet, Squadrone System levait un peu moins d'un million d'euros sur la plateforme de financement participatif (crowdfunding) Kickstarter. Un montant vingt fois supérieur à la somme demandée et un record pour le site américain de financement participatif. Succès mondial, en l'espace de quelques mois, le drone de loisirs baptisé Hexo+, dont la particularité est de voler de manière autonome en suivant son utilisateur, bénéficie d'une couverture médiatique importante, du Washington Post à Engadget, en passant par Fox News, La Tribune, Sciences et Avenir, etc.

Encore en phase de prototypage et de développement, le drone ne devrait pas être commercialisé avant le printemps 2015. Un phénomène 3.0, 100 % grenoblois, né il y a seulement un an lors d'un Startup week-end organisé dans la capitale alpine, puis incubé à Grenoble École de management, et enfin porté par l'accélérateur Startup Maker.

Un écosystème vaste

À l'instar de Squadrone, d'autres startups grenobloises (iSketchnote, Pioupiou, Deltra Drone, etc.) ont fait parler d'elles et pourraient très bien devenir les championnes tant espérées de demain. Ces exemples arrivent à point nommé pour Grenoble, puisqu'ils lui offrent une fenêtre médiatique substantielle dans sa course à la labellisation French Tech. Une manière aussi de casser cette image de territoire très technologique-académique que d'aucuns voudraient voir s'éloigner. « Que l'on arrête de parler toujours des nanotechnologies », martèle un acteur de l'écosystème numérique grenoblois.

Des technologies qui font néanmoins partie de l'ADN de la capitale alpine et ont forgé sa réputation internationale. Mais depuis l'officialisation de sa candidature à la French Tech il y a quelques mois, Grenoble a saisi l'opportunité d'entrer dans une nouvelle dimension en communiquant davantage sur ses success stories grand public, ses pépites, ses levées de fonds - toujours plus importantes et régulières.

Squadrone système est devenue l'une des start-ups pharer de Grenoble

Des évènements fédérateurs

Les événements fédérateurs de l'écosystème se sont également multipliés (barbecue géant, rencontres, etc.), relayés activement sur les réseaux sociaux. « Nous devions communiquer sur nos atouts, mais surtout parler du bouillonnement du territoire », précise Jean-Pierre Verjus, pilote du dossier et fondateur du centre de recherche Inria. « Une vraie évolution a été observée depuis le début de l'initiative entre les grands groupes, les startups et les laboratoires qui ont su se réunir et impulser le mouvement », note Renaud Cornu-Emieux, chargé de mission numérique à l'Ecole de commerce de Grenoble. L'initiative French Tech a dès lors (ré)enclenché cette dynamique et fédéré les forces vives autour de la bannière Digital Grenoble.

Un jeu collectif

La capitale des Alpes bénéficie depuis longtemps d'un écosystème numérique fort, porté par des acteurs privés et publics ayant marqué leur empreinte. Berceau de l'informatique académique, Grenoble s'est fait un nom dans la recherche scientifique et les technologies de pointe (micro et nanotechnologies). Elle a été la première ville à recevoir un calculateur électronique dans les années 1950 et bénéficie aujourd'hui d'organismes de renom (CEA, Inria, Inserm, CNRS, Grenoble INP, etc.). Un territoire propice à l'accueil de grandes entreprises stimulées par la dynamique recherche et université. Atos, STMicroelectronics, Bull ou Hewlett-Packard (2 000 emplois pour cette dernière) y ont installé des divisions. En 2005, Minalogic est labélisé pôle de compétitivité (280 projets labellisés et financés, 1,9 milliard d'euros en recherche et développement) et depuis l'industrie du numérique, dont celle du logiciel, n'a cessé de se développer.

Grenoble s'est ainsi positionnée au rang des métropoles les plus dynamiques du secteur, avec 500 entreprises et 55 000 emplois dont 15 000 dévolus à l'informatique et au logiciel. En l'espace d'une vingtaine d'années, le territoire a vu émerger des entreprises innovantes qui ont su se faire un nom sur le marché des professionnels (Maya Technologies, Motwin, Sogilis etc.), mais également sur le marché du grand public (Spartoo, Photoweb, Kelkoo, Starzik etc.). Une caractéristique confirmant là aussi Grenoble comme place forte et légitime dans le domaine des pure players (d'e-commerce, entre autres). Demain, il se pourrait qu'elle le soit dans l'Internet des objets ou encore dans le traitement des big data. Deux axes d'avenir sur lesquels le dossier Digital Grenoble veut marquer sa différence.

Vidéo officielle de la candidature Grenobloise à la French Tech

Accélérateur régional

Dans le même temps, la candidature grenobloise se montre clairement ouverte et des voix militent pour une candidature French Tech régionale. C'est dans cette optique que Savoie Techolac (230 entreprises, 9 000 « technopolitains »), technopole située sur la commune du Bourget-du-Lac, s'est rapprochée de Grenoble. Des discussions ont été menées avec Annecy, mais sans succès (voir page 53). « Je milite pour que tout le monde travaille ensemble », souhaite Jean-Pierre Verjus. Pas de compétition ni de rivalité, assure-t-il, mais une meilleure complémentarité des écosystèmes permettrait de « faire décoller la région ». Auteur d'un rapport sur la place du numérique dans l'agglomération grenobloise, Jean-Pierre Verjus aimerait qu'un travail collégial soit mené sur les accélérateurs, éléments clés - mais à la forme mal précisée - du cahier des charges de la French Tech.

Sur ce point, Grenoble joue la carte du bon élève. Elle propose trois idées d'accélérateurs de niveau un, deux et trois, pouvant être dupliquées in fine à tous les territoires si le gouvernement et les collectivités les valident. Dans le détail, Digital Grenoble propose : pour le premier, un accélérateur de proximité (soutenu par les métropoles) destiné aux startups de « zéro à un million d'euros ». « La puissance publique ne soutient pas ce genre d'accélérateur et préfère soutenir l'innovation venue de la recherche », indique Jean-Pierre Verjus, espérant combler un « trou dans la raquette ».

Pour le deuxième niveau - les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre un et dix millions d'euros -, il s'agirait d'accélérateurs thématiques offrant une croissance plus importante aux accélérés. « À ce niveau, une collaboration régionale a tout son sens », souligne le fondateur de l'Inria. Enfin le niveau trois, « ne peut se traiter qu'au niveau de la French Tech », c'est-à-dire de l'État, en nouant des partenariats avec des grands groupes.

Ce projet d'accélérateurs est aujourd'hui sur le bureau de la mission gouvernementale. Digital Grenoble espère être entendu. « Partant du constat que 6 % des entreprises les plus créatives ont créé 60 % d'emplois, l'industrie de demain sera donc [issue de] ces start-up croissantes. Nous pensons qu'avec ce trio d'accélérateurs, nous pourrons y parvenir », soutient Jean-Pierre Verjus.

Objectif visibilité

Si impact du label pour les territoires est encore difficilement mesurable, chaque métropole espère bien en tirer les bénéfices. La French Tech « constitue une nouvelle opportunité d'accélérer le développement et la visibilité à l'international de nos tech-champions », annonce la Métropole grenobloise. Un événement en terre alpine dédié au Web et ses branches, fédérant universités, recherche, PME, grands groupes et startups y contribuerait. L'ouverture dans les prochains mois d'un lieu totem de 5 000 m² va également dans ce sens.

Visite le 12 septembre 2014 à Grenoble de la secrétaire d'Etat à l'Economie Numérique Axelle Lemaire.

Avec une quinzaine d'acteurs locaux actifs et fédérateurs réunis sous la bannière Digital Grenoble, le dossier grenoblois a été déposé le 11 juin. De multiples allers et retours avec l'équipe parisienne ont été menés depuis. Cerise sur le dossier, Axelle Lemaire, secrétaire d'État à l'Économie numérique, s'est rendue sur place le 12 septembre dernier, à la rencontre des acteurs locaux du numérique. Un coup de projecteur - et de communication politique - pour la troisième métropole rhônalpine. À jeu égal, Lyon a aussi bénéficié de la venue d'une ministre, Fleur Pellerin, initiatrice de la French Tech, lors de la remise du manifeste « Lyon, hub numérique », à la fin de l'année 2013.

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