Cyril Ebersweiler, globe-trotteur du hardware

À 36 ans, ce Français, qui navigue de la Chine aux États-Unis, est un personnage dans l'écosystème mondial des startups. Après avoir créé le programme Hax, référence dans le hardware, il lancera en mars 2016 à New-York, Urban X, un accélérateur dédié aux startups qui façonnent la ville du futur. Portrait de cet homme atypique, qui trace sa route à toute vitesse.
Le Français lancera une nouvelle structure à New-York, en mars 2016, focalisée sur la ville du futur.

Les cris de ses deux chérubins détournent un instant son regard. Ses enfants se préparent dans l'agitation pour leur première journée d'école à Berkeley, dans la banlieue de San Francisco. Ce jour de septembre, Cyril Ebersweiler, multi-entrepreneur et investisseur, fait, lui aussi, sa rentrée.

Il ouvre une nouvelle entité en Californie, "le premier accélérateur d'accélérateur", s'amuse-t-il. Ce deuxième opus est la suite de Hax Accelerator, une structure qu'il a créée en 2011 à Shenzhen, en Chine. Elle est désormais l'un des plus incroyables programmes de startups du monde pour les spécialistes du hardware (objets connectés, imprimante 3D).

Même si son allure quotidienne suggère le contraire - tee-shirt et short -, il n'a plus grand-chose de l'étudiant. À seulement 36 ans, ce grand gaillard à la tignasse blond vénitien est déjà un théoricien. Un casseur de codes.

"Chaque matin, je me réveille en me disant que j'ai l'obligation de mettre au point un système pour assurer la survie des startups. Elles ont tellement à apporter au marché et au monde", affirme cet infatigable voyageur, qui a déménagé 13 fois en quatorze ans.

Mettre les startups sur orbite

Hax, lancé grâce au fonds SOSV, auquel il est associé, répond à son obsession : en quatre ans d'existence, l'accélérateur a accompagné plus de 80 startups ; seulement deux ont rendu les armes.

La ligne de conduite est claire : construire, lancer et expédier les produits des startups à une vitesse éclair. C'est que le secteur du hardware "qui est en train de coloniser tous les pans de l'économie, notamment la santé", n'a pas le temps de prendre son temps.

"Chaque mois qui passe, pour une startup, c'est 3 000 à 40 000 dollars qui sont dépensés, car le hardware nécessite des coûts de production, même s'ils sont en baisse. Il faut donc créer très vite de la valeur."

Il faut être dans les starting-blocks. "Si vous êtes le premier à commercialiser, vous avez une plus grande chance de dominer votre propre marché", estime-t-il. Ainsi, en trois mois et demi, les startups sont mises sur orbite grâce à un programme bien ficelé.

D'abord, ces jeunes pousses - multinationales à 40 % « B to B » et 60 % « B to C » -, sont sélectionnées sur leur maturité : un prototype, un marché. Elles bénéficient des critiques constructives des mentors, eux-mêmes anciens "accélérés". "Un enseignement qui rappelle celui de l'école mutuelle du XIX siècle en France", souligne celui qui a quitté l'Hexagone fâché avec le modèle universitaire.

Puis, les startups sont propulsées sur la plateforme de financement participatif Kickstarter, "une première approche concrète du potentiel du produit sur le marché". L'opération est soutenue par un investissement de Hax pouvant aller jusqu'à 300 000 dollars, contre une prise de participation dans le capital.

Cyril Ebersweiler

Cyril Ebersweiler, dans ses locaux de Shenzhen, lors d'une présentation de son projet à une délégation French Tech. Crédits M. Hanssen/ADE

Shenzhen (Chine), l'écosystème parfait

Si le programme de formation est essentiel, le terrain de jeux pour l'appliquer ne l'est pas moins. Shenzhen représente l'écosystème parfait. Cet ancien petit port de pêche chinois devient l'épicentre de la high-tech mondiale, vivier des futures licornes planétaires.

"Du laboratoire aux usines, grandes et petites, elle permet une réactivité inégalée dans la réalisation de prototypage. Le point fort de la ville, c'est cette gestion de la chaîne logistique", explique, en cherchant son français, ce polyglotte fasciné par le dynamisme de l'empire du Milieu.

Son attrait pour l'Asie, il l'a développé aux débuts d'Internet, à l'heure des modems et du débit 56 k. "J'ai rencontré sur la Toile une dizaine d'inconnus qui m'ont permis de partager leur quotidien." Ainsi, lors d'un stage d'étude à l'IAE de Nantes en 2001, après un Master en droit des affaires à l'université de Poitiers, il choisit la Chine. C'est dans cet environnement peu connu, parfois hostile, qu'il forge son appétence pour la difficulté, voire pour la souffrance, convaincu "qu'il ne faut pas refuser les obstacles et saisir chaque opportunité".

Il y travaille pour Carrefour, où il crée le premier site d'e-commerce chinois. Il déménage
à Pékin, Shanghai, Canton, au gré des opportunités (Adidas, Air France), dirigeant des équipes de 100 personnes, avant de s'envoler pour le Japon, au siège de Nissan. Puis il s'engage dans une agence de communication, travaille en Corée du Sud. Ces expériences aiguisent son appétit d'innovation. Mais l'environnement n'est pas propice : "J'ai souvent insisté pour intégrer des startups. La résistance était féroce", déplore ce féru de technologie.

Cap sur l'entrepreneuriat

Son futur partenaire, Sean O'Sullivan, repère sa frustration. Après moult discussions, il bascule définitivement dans l'entrepreneuriat et l'investissement. Ironie du sort, auparavant il "trouvait ses camarades de l'IAE, qui souhaitaient se lancer sur ce créneau, totalement fous".

C'est désormais lui le "cinglé", passionné, souriant, convivial, acharné de travail. Après un petit détour par Boston, où il est mentor pour Techstars, Cyril Ebersweiler revient en
Chine en 2010 et fonde le premier accélérateur chinois, Chinaccelerator, spécialisé dans le logiciel, à Shanghaï. La structure cartonne. Mais dans sa quête, il a besoin d'un autre défi. Il crée Hax. Sa deuxième antenne californienne a ouvert le 1er octobre 2015. C'est la pièce manquante du programme Hax:

"Distribuer le produit, c'est encore plus dur que de le créer. En quarante-deux jours, nos startups vont apprendre les codes pour imposer leur innovation."

Le puzzle achevé, il a déjà anticipé de nouveaux défis. Il lancera au mois de mars à New-York, nouvelle terre promise des jeunes pousses, Urban X, en coopération avec le constructeur automobile Mini. Cet accélérateur soutiendra les startups qui "façonnent le futur des villes grâce à la technologie."

Cyril Ebersweiler nourrit aussi des projets dans la santé. Son rêve : voir la startup Babybe, incubée en 2013, aller au bout de son projet : la commercialisation d'un matelas bionique pour bébés prématurés afin de réduire les séquelles. Parce que, pour étudier et entreprendre, il faut d'abord vivre. Il le sait mieux que quiconque, lui, l'enfant né avant terme. Son songe ultime ? "Participer à la révolution éducative mondiale, et notamment en France. Ça me démange." Un dernier regard vers ses enfants ; les voilà déjà partis, cartable sur le dos.

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