Elle était présente à plusieurs points d'orientation au Smart City Expo World, la grande messe de la ville intelligente qui se déroulait cette semaine à Barcelone. Après quatre ans de R&D et quelques millions d'euros d'investissement, l'iGirouette - ce panneau de signalétique nouvelle génération, connecté, et fournissant des informations en temps réel - est désormais pleinement opérationnel. Outre sa démonstration en Catalogne, ce nouveau produit développé par l'entreprise lyonnaise Charvet Digital Média est - surtout et concrètement - en expérimentation dans la capitale rhônalpine. Une quinzaine d'exemplaires sont installés dans l'espace public - autour du 2ème arrondissement de Lyon - depuis un mois et demi, permettant à la ville intelligente de prendre corps auprès des citoyens.

Participatif

"L'iGirouette a pour objectif de fournir aux citoyens des informations dans l'espace public : aussi bien aux habitants du quartier, qu'aux touristes qui visitent et découvrent la ville, assure le patron de Charvet Digital media. Nous pouvons diffuser jusqu'à 8 messages par minute", explique Christophe Quatrini, manager général.

Ces messages s'affichent sur les panneaux digitaux aux formats comparables à ceux des panneaux traditionnels, la couleur et l'aspect ludique en prime. Ils diffusent informations locales, direction d'un site culturel à visiter, ou informe sur un moyen de transport multimodal disponible à proximité (VéloV, voiture autopartagée). Dans ce dernier cas, les informations sont fournies grâce aux données ouvertes recueillies par la Ville, ou par les prestataires, ainsi que par le réseau de transports en commun, par exemple. Le service intègre déjà une fonction participative : certains messages locaux sont rédigés par une dizaine de contributeurs. A terme, cette grande "perche" intégrera davantage d'interaction avec l'utilisateur.

"L'iGirouette doit avoir un impact sur la mobilité, incitant les modes de déplacements actifs, autre élément important de la smart city", approfondit le manager général.

Acceptabilité

En proposant du hardware sur l'espace public, l'iGirouette est un élément tangible, quand la smart city est parfois focalisée sur les réseaux d'énergies ou d'eau."Au même titre que la navette autonome Navya, ce sont ce type d'innovation qui permet aux citoyens d'appréhender directement et quotidiennement la ville intelligente", avance Karine Dognin Sauze, vice-présidente déléguée à l'Innovation à la métropole de Lyon.

D'une façon plus générale, ces éléments suffiront-ils a faire accepter aux citoyens la transformation des communes en espace hyper-connecté ? Le challenge semble encore immense : selon une étude publiée le 16 novembre 2017 par l'Observatoire société et consommation et Chronos, la smart city n'arrive qu'en dernier des modèles de ville souhaités, sur les six proposés par l'étude. Moins d'un Français sur trois accepterait d'ailleurs de partager ses données pour contribuer au bon fonctionnement des "smart cities".

Smart city à la lyonnaise

A Lyon, si le taux d'acceptation de la population n'est pas encore connue, la politique dans ce domaine se veut tout de même ambitieuse. Et l'iGirouette permet de mettre en avant le modèle et la stratégie portée par la Métropole, basée sur le "co-développement" et les liens entre acteurs publics et privés.

Ainsi, l'iGirouette est née chez Erasme, le "laboratoire à idées" de la métropole, avant d'être développée par un premier acteur privé, la startup Biin (Bureau
 d'idées 
nouvelles), avant que la licence soit cédée à la PME Charvet Digital Media. Cette dernière a poursuivi la R&D pour mettre au point le produit (déposant un brevet mondial d'innovation), puis pour l'industrialiser. Revoilà les pouvoirs publics dans la danse, avec cette expérimentation sur le territoire métropolitain, nécessitant une charte partenariale.

Levier de développement

Ce test en condition réelle doit "démontrer que [notre] produit est un service public et qu'il répond ainsi à cette définition", poursuit le dirigeant. Une évaluation de la pertinence du dispositif est donc menée en parallèle avec le Tube à expérimentation urbain (Tuba), ce haut lieu - public-privé - lyonnais dédié à la smart city. Car si l'entreprise aux 10 millions d'euros de chiffres d'affaires commercialise également sa iGirouette sur des sites privés (Futuroscope, par exemple), elle fait des villes son terrain de business privilégié. "Cette expérimentation permettra d'avoir rapidement un retour sur investissement", espère le dirigeant, alors que les frais d'installation du test lyonnais sont à la charge de l'entreprise, selon Christophe Quatrini. Sur le salon de Barcelone, Charvet Digital Média a multiplié les contacts avec les villes, visant d'abord le marché européen. Avec une force commerciale réduite, elle a opté pour un modèle de vente basée sur la distribution locale via des prestataires extérieurs.

Un doublement de la taille de l'entreprise est espéré à trois ans, pronostique le manager général. Charvet média digital emploie déjà une cinquantaine de salariés, et recrute actuellement 10 personnes. De quoi donner définitivement une nouvelle direction à cette entreprise dont l'origine remonte à 1852, connue alors pour ses grandes horloges monumentales et industrielles trônant au fronton d'édifices comme les gares ou les églises.