Voilà plus de trois ans que Bank of China est installée à Lyon. Pourquoi Lyon, et pas Bordeaux ou Marseille ?
Nous avons choisi Lyon car elle est au centre de Rhône-Alpes (avant la fusion et la création d'Auvergne Rhône-Alpes, ndlr). Le dynamisme économique de la région, ainsi que son tissu de PME, nous a convaincus de nous installer. Ses entreprises sont par ailleurs étroitement connectées à la Chine et depuis très longtemps déjà. Prenez le fabriquant lyonnais de petit électroménager SEB. Non seulement il est l'un leader de son secteur en Europe, mais il l'est aussi en Chine où il a fait l'acquisition du premier fabricant chinois (ndlr : Supor en 2007).
Quels étaient les objectifs que vous vous étiez fixés en arrivant ?
Nous ne sommes pas une banque française. Nous sommes une banque étrangère. Ce statut conditionne beaucoup de choses. On ne peut pas déployer un réseau aussi étendu que nos concurrents français. Il est donc impossible de prendre les mêmes indicateurs de performance : nombre d'agences, de clients, etc. Cependant, au niveau du total bilan, nous occupons toujours la première place en tant que succursale de banque étrangère en France. Et nous sommes la seule banque asiatique agréée dans la région Auvergne Rhône-Alpes.
Par ailleurs, l'objectif que nous nous étions fixé de travailler avec des entreprises en relation avec la Chine est tout à fait atteint. Nous sommes aujourd'hui pleinement reconnus pour notre expertise en financement de l'exportation. Enfin, nous avons été désignés par la Banque centrale de Chine pour assurer la promotion du renminbi (ndlr : yuan), la monnaie chinoise.
Par nature, votre activité est assez différente de celle des autres banques présentes dans la région. Comment cette différence se manifeste-t-elle dans le traitement des dossiers de financement ?
Nous appliquons la même méthodologie, mais nous sommes beaucoup plus rapides. Pour un gros dossier immobilier, nous pouvons donner une réponse 50% plus vite que nos confrères français. Pourtant, nous avons les mêmes contraintes de validations hiérarchiques. Nous gagnons en rapidité en travaillant plus que les autres, mais aussi grâce à la très bonne connaissance qu'ont nos services entre eux. La succursale Lyonnaise ne proposera jamais un dossier dont elle sait qu'il ne sera pas validé par le bureau parisien. Nous avons par ailleurs un système d'évaluations de nos bureaux qui est très efficace.
Qu'ont donné ces évaluations pour le bureau de Lyon ?
Jusqu'à l'année dernière, c'était moyen. Cette année, c'est un peu mieux.
Les buts de la succursale lyonnaise ont-ils évolué avec le temps ?
Nous avons légèrement évolué face aux opportunités du marché immobilier à Lyon. Nous avons notamment participé au financement de la tour Incity à la Part-Dieu ou à la rénovation du siège de Sanofi à Gerland. Depuis, nous avons accompagné cinq ou six projets importants dans l'agglomération, exclusivement pour des bureaux ou des locaux commerciaux.
Nous avons aussi financé quelques investissements industriels, mais cela demande une expertise et des moyens en ressources humaines qui sont difficiles à mobiliser pour notre bureau de Lyon. C'est ce qui explique que nous en ayons fait moins par rapport aux banques locales.
Même si Bank of China tend à s'ouvrir à quelques grands projets immobiliers, vous n'avez pas encore participé à de grands projets d'infrastructures ou d'équipements au niveau local. Alors que le projet de l'A45 entre Saint-Etienne et Lyon se précise, pourquoi ne pas y prendre part ?
Historiquement, Bank of China n'est pas reconnu pour son expertise dans ce domaine. Concernant le projet que vous évoquez, nous n'avons tout simplement pas été sollicités.
Mais si vous l'aviez été, c'est un projet auquel vous pourriez participer ?
Pourquoi pas.
Il y a une modification de votre stratégie sur ce point-là. Vous êtes désormais prêts à vous engager dans des projets de territoire...
Oui, c'est logique. En dehors de leurs relations avec la Chine, nos clients ont très souvent une activité locale. Par ailleurs, nous avons trouvé le marché immobilier très intéressant. C'est un marché sain et réglementé. Alors, pourquoi ne pas y participer si nous avons les moyens suffisants pour le faire ?
Vous pourriez, par exemple, également participer au financement du projet Part-Dieu ?
C'est en effet un dossier que nous suivons de très près. Mais nous pourrions aussi participer au financement de l'autoroute A45. Autoroute, chemins de fer, aéroport, stade, énergie... nous pouvons tout financer, sous réserve d'une analyse plus profonde.
Entretenez-vous des relations avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes ?
Oui, nous les avons rencontrés. Mais pour l'instant, ils ne nous ont pas proposé de les accompagner sur un projet.
En revanche, vous travaillez de façon fréquente avec la métropole de Lyon, notamment dans le cadre de plusieurs voyages officiels entre la Chine et Lyon. Quel est votre rôle exact dans ces relations ?
Gérard Collomb a quasiment fait un voyage par an en Chine. Notre pays est tellement grand que c'est très difficile de tout voir en une seule mission. À chaque fois, nous sélectionnons une grande ville en plus de Pékin où la délégation française peut rencontrer des officiels Chinois. C'est important que son équipe et lui comprennent bien le fonctionnement de la Chine.
Bank of China a donc un rôle important dans l'organisation de ces missions par la Métropole. Le consulat n'est pas impliqué ?
Si, le consulat est partie prenante, mais la métropole compte beaucoup sur nous. Bank of China s'occupe plus particulièrement des relations avec nos homologues en Chine, des réunions avec les autorités locales et des visites aux entreprises.
Quels sont les axes de travail que vous partagez avec le cabinet de Gérard Collomb?
Nous sommes venus pour promouvoir les échanges économiques entre la France et la Chine en Rhône-Alpes. Pour y arriver, nous avons besoin de maintenir de bonnes relations avec toutes les autorités locales. Aujourd'hui, nous savons que les hommes et femmes politiques français sont, pour la plupart, convaincus que la puissance chinoise est un levier pour la France. Aussi, nous sommes tout à fait prêts à participer financièrement aux projets privés et publics portés par les autorités locales.
De façon générale, où sont prises les décisions de financements des projets ? À Paris où à Lyon ?
L'équipe lyonnaise (ndlr : 9 personnes) est indépendante jusqu'à un certain point. Pour des niveaux d'investissement élevés ou des projets complexes, le dossier remonte à Paris et parfois même jusqu'à Pékin.
Justement, quelle est l'influence de l'Etat Chinois dans la gestion des dossiers ?
L'Etat chinois détient 70% du capital de Bank of China. Cela en fait notre patron. Cela dit, nous avons une gouvernance très moderne, basée sur les standards internationaux, avec un comité de direction, un conseil de surveillance, etc. Enfin, il ne faut pas oublier que l'Etat chinois est aussi notre principal client.
Le patrimoine culturel et industriel français attire de plus en plus d'investisseurs chinois. Quelle est la stratégie chinoise dans cette optique ?
L'Australie, l'Asie du Sud-Est, mais aussi l'Europe avec l'Angleterre, l'Allemagne et la France, intéressent particulièrement les investisseurs chinois. En France, il y a beaucoup de craintes à ce sujet, pourtant, nous n'en sommes qu'au début ! Si l'on mettait en relation le montant des investissements chinois en France par rapport à la puissance financière de la Chine, on remarquerait que c'est très peu. Les entreprises chinoises sont très intéressées par la France, mais elles sont freinées par ses subtilités culturelles et réglementaires. Nous sommes là pour les aider à ne pas faire les erreurs commises par d'autres dans le passé.
Quelles erreurs ?
Souvent, c'est une question de stratégie. En Chine, le marché est énorme. Une fois qu'un business model est validé dans une ville, il est très facile de le répliquer. Ce n'est pas tout à fait le cas en France. L'autre erreur des entreprises chinoises est de ne pas prendre en compte le facteur social. En Chine, les relations entre employeur et employés sont relativement simples : un employé est payé pour une tâche. Si, plus tard, l'entreprise n'a plus besoin de lui, elle met fin au contrat. C'est tout. Évidemment, ce n'est pas le cas en France. Enfin, il y a la question de la réglementation.
Outre l'aspect du financement de certains projets, Bank of China a également un rôle d'ambassadeur afin de promouvoir le renminbi, la monnaie chinoise. Quelle est votre mission exacte dans ce domaine ?
Nous encourageons nos clients et nos confrères à utiliser le renminbi pour leurs paiements et pour leurs investissements en Chine. Comme c'est une devise assez différente des autres, car elle est très réglementée, il faut une compréhension précise de son fonctionnement pour l'utiliser efficacement. Même si les entreprises peuvent utiliser d'autres monnaies en Chine, comme le dollar ou l'euro, les marchés utilisent de plus en plus le renminbi, qui est aujourd'hui la 6e devise la plus utilisée au monde. C'est sa stabilité, protégée par les autorités, qui fait sa force.
Les différentes dépréciations du renminbi qui ont eu lieu ces derniers mois tendent à rapprocher le fonctionnement de cette devise de celui des autres grandes monnaies internationales. Cette stabilité revendiquée est-elle en train de s'amenuiser ?
La stabilité du cours de change est très importante pour nous, même si, c'est vrai, la volatilité du renminbi est plus sensible ces derniers temps. C'est le marché qui l'a poussé face aux doutes qui ont été émis sur le dynamisme de l'économie chinoise. Mais le cours n'est pas en chute libre pour autant. Il revient simplement au niveau, sans doute plus réaliste, d'il y a quelques années.
Propos recueillis fin juillet par Steven Dolbeau / Photos : Laurent Cerino/ADE
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