Serge Bruhat (Société Générale)   : "Nous allons accélérer les fermetures d’agences"

Arrivé en septembre 2015 à la tête de la délégation Auvergne Rhône-Alpes de la Société Générale, Serge Bruhat devra mener sur ce territoire le projet de réorganisation, qui prévoit notamment la fermeture de 400 agences en France, avec des répercussions importantes à Lyon et à Grenoble. D'autres défis attendent le délégué général : concurrence dans le domaine du numérique et de l’innovation, crise des Panama Papers, investissement dans le réseau, risque des taux bas… Autant de thématiques qu’il devra aussi gérer en tant que nouveau président du Comité Régional des Banques Rhône-Alpes.

Acteurs de l'économie - La Tribune. Que représente la Société Générale en Auvergne-Rhône-Alpes ?

Serge Bruhat. La Société Générale est organisée en 8 grandes régions. J'ai eu l'occasion de diriger les délégations basées à Lille et Bordeaux, avant d'arriver à celle de Lyon en septembre dernier. Celle-ci couvre les anciennes régions Auvergne, Rhône-Alpes et Bourgogne, soit environ 300 agences et 3 000 collaborateurs.

Douze directions régionales composent Auvergne-Rhône-Alpes-Bourgogne : onze d'entre elles sont polyvalentes, c'est-à-dire qu'elles s'adressent à tous les marchés ; à celle de Lyon, nous traitons les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse quinze millions d'euros. Cette direction spécifique pilote également le dispositif SG Entrepreneurs qui couvre la totalité des besoins de l'entreprise, notamment pour les opérations de haut de bilan. Nous avons greffé à cela une banque privée régionale pour répondre à la demande de notre clientèle très marquée par les entreprises familiales.

Quelle est votre autonomie par rapport à Paris ?

Nos directeurs régionaux ont les limites décisionnelles qui leur permettent de traiter 90 % des crédits sollicités par les entreprises. Le reste est traité soit à Lyon, soit à Paris, en fonction de l'importance des dossiers.

Neuf mois après votre arrivée, comment jugez-vous le travail de votre prédécesseur ?

La délégation était très bien dirigée. De toutes les délégations de la Société Générale, celle de Lyon est la plus importante, y compris par rapport à ses alter ego parisiennes qui ne gèrent pas directement les services aux grandes entreprises.

C'est également celle qui démontre le plus fort dynamisme, aux niveaux tant démographique qu'économique. Je mets en place une stratégie résolument offensive, tournée vers le client, avec l'ambition de développer l'influence de l'établissement sur le territoire qui m'incombe.

Quels sont les projets précis qui composent cette stratégie ?

Mon objectif est de donner du plaisir à mes équipes et de renforcer la satisfaction des clients. Pour cela, il faut consacrer beaucoup de temps à la formation et accompagner les collaborateurs dans leur projet professionnel à long terme. Nous devons également accélérer nos processus de décision et continuer à rénover le réseau d'agences.

Pour la délégation, cela représente un investissement annuel de 5 à 6 millions d'euros.

Simultanément, vous serez chargé de piloter une vaste réorganisation du réseau. En octobre dernier, la Société Générale a annoncé la suppression de 400 agences en France...

Cette opération va être déployée entre 2016 et 2020. Nous avions déjà initié le mouvement, nous allons l'accélérer. En effet, nos clients, qui migrent massivement vers des supports digitaux, nous placent face à un changement radical, qui a pour conséquence une fréquentation en baisse continue des agences. Ces fermetures auront essentiellement cours en centre-villes, très bien maillés par notre réseau et plus difficiles d'accès.

Parallèlement, nous allons ouvrir des agences à Beaune, Saint-Genis-Pouilly et Montbonnot-Saint-Martin, des zones en fort développement.

Quelles seront les conséquences de cette réorganisation en Auvergne-Rhône-Alpes ?

Notre programme concerne la fermeture d'une vingtaine d'agences sur la délégation d'ici 2020, essentiellement concentrée à Lyon.

Nous allons également fermer notre pôle de services clients basé à Grenoble d'ici la fin de l'année 2017, mais sans licenciement. Les 120 personnes concernées auront le choix entre rejoindre le pôle de Lyon ou se reconvertir dans des fonctions de middle ou de backoffice dans les zones géographiques de leur choix.

Des suppressions de postes sont-elles prévues dans ce cadre-là ?

Nous allons profiter des départs en retraites pour réaliser la transition. Nous prévoyons également d'accompagner la montée en compétences de nos collaborateurs pour qu'ils puissent mieux répondre aux besoins spécifiques des clients et apporter une plus-value au tout numérique.

Toutes les banques ont la même problématique ; simplement, nous avons annoncé cette transition en toute transparence afin que tous nos interlocuteurs puissent s'y préparer.

Cela implique-t-il de nouveaux services numériques ?

Nous avons lancé des investissements extrêmement lourds dans ce domaine. Au niveau national, nous avons également mis en place des groupes de travail sur l'innovation en collaboration avec plusieurs fintechs.

Cela dit, nous disposions déjà d'outils très performants, parmi les meilleurs du secteur. Notre application a par exemple été téléchargée plus de 4 millions de fois.

Certains de vos concurrents - Caisse d'Épargne Rhône Alpes, Crédit Agricole Centre-Est ou BNP Paribas - se sont clairement positionnés vis-à-vis des startups et du financement de l'innovation, en annonçant notamment la création d'incubateurs ou d'agences dédiés. Qu'en est-il de la Société Générale ?

Nous communiquons un peu moins que nos confrères et sans doute avons-nous un peu de retard par rapport à eux. Mais dans une région comme Auvergne Rhône-Alpes, il impératif de se saisir de ces sujets-là.

C'est pourquoi nous avons lancé des expérimentations, notamment à Grenoble, pour déterminer la meilleure manière d'accompagner ces startups. Nous avons conscience que si l'on n'est pas présent à l'amorçage de ce type d'entreprise, nous aurons beaucoup de difficulté à les capter par la suite. C'est un sujet que nous avons pris à bras le corps. Nous prévoyons d'ailleurs de faire quelques annonces à la rentrée.

Lire aussi : Stéphanie Paix (Caisse d'Epargne Rhône-Alpes) : "Paris n'a pas le monopole de la fintech"

Il y a quelques mois, vous avez été mandaté au niveau national pour piloter un groupe de travail sur l'organisation de la banque vis-à-vis de la clientèle des professionnels. Quelles sont vos préconisations ?

Nous avons fait des propositions d'adaptation de notre organisation en partant des besoins du client. Les partenaires sociaux ont été récemment consultés au niveau central et nous devons maintenant les solliciter au niveau local. Pour l'heure, il est donc difficile de rentrer dans le détail.

Toutefois, une idée générale se dégage : renforcer la spécialisation et le niveau de compétences de nos équipes pour être plus efficace dans la prise de décision. On devrait être en mesure d'indiquer au client, dès lors qu'on dispose de son bilan, si l'on est capable ou non de lui accorder un crédit. En pratique, des agences seront dotées de collaborateurs spécialistes de la clientèle professionnelle, parfaitement identifiables par les clients.

Après l'affaire Kerviel, qui n'en finit pas de rebondir, la Société Générale a été pointée du doigt dans l'affaire des Panama Papers. Comment appréhendez-vous ces crises ?

Pour les Panama Papers, je vous renvoie à l'audition au Sénat de notre directeur général Frédéric Oudéa (le 11 mai dernier, NDLR) et à la décision du bureau du Sénat qui a considéré suite à cette audition qu'il n'y avait pas de faut témoignage (le 26 mai dernier, NDLR). C'est un sujet qui a malheureusement des répercussions sur notre réseau, surtout dans le contexte social actuel marqué par les débats autour de la loi travail

Pour nos équipes, qui subissent cette pression, c'est un moment extrêmement pénible. Nous subissons des caillassages d'agences, des jets de peinture, en marge des rassemblements. Dès que des manifestations sont organisées, nous prenons donc toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des collaborateurs et des installations. C'est d'autant plus pénible que, dans l'affaire des Panama Papers, la Société Générale a toujours respecté les réglementations juridiques et fiscales en vigueur.

Vous avez pris la suite de votre prédécesseur à la tête du Comité Régional des Banques Rhône-Alpes. Quelle est la position des banques face à la problématique des lanceurs d'alerte ?

Nous entretenons une relation de confiance avec nos clients. Pour la mériter, nous avons un devoir de discrétion absolue. Maintenant, pour tout ce qui concerne les opérations de fraude fiscale ou de blanchiment d'argent, nous sommes totalement transparents avec l'administration, dans le cadre de la réglementation.

Certes, mais dans le cas d'une fraude de la banque ?

Dans ce cas, c'est à la justice de trancher.

Les banques subissent depuis plusieurs années une politique de taux bas, notamment impulsée par la banque centrale européenne pour relancer l'économie. Par définition, cette politique grève leur rentabilité. A quelle hauteur évaluez-vous le risque ?

Cette politique devrait se poursuivre encore jusqu'en 2017. Incontestablement, elle a un impact sur la rentabilité des banques, obligées d'être très attentives à leurs coûts. Face à des taux négatifs, nous envisageons même de facturer les dépôts à un certain nombre de grands comptes corporate.

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Commentaire 1
à écrit le 02/06/2016 à 13:46
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"accompagner les collaborateurs dans leur projet professionnel à long terme." : quitter la SG suite à la fermeture des agences?

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