[Mon rêve pour demain 4/5] Cyprien Verseux, astrobiologiste

"Comment imaginez-vous la place de l'Homme dans la société du futur ?" C'est ce qu'a souhaité savoir Acteurs de l'économie-La Tribune, en proposant à des personnalités de divers horizons d'apporter leur témoignage. Cette semaine, Cyprien Verseux, astrobiologiste, nous fait part de son rêve, de son souhait et de ses désirs.

Le  28 août dernier, je suis sorti à l'air libre. J'ai pu sentir la caresse du soleil et du vent. J'ai pu manger de la nourriture fraîche et surtout, j'ai pu parler à des inconnus.

Cela semble peut-être banal. Pour moi, c'était extraordinaire. Cela faisait 366 jours que je vivais confiné dans un dôme de 11 mètres de diamètre, perché à deux kilomètres et demi d'altitude sur le plus grand volcan de la planète. Pendant cette année, je n'avais eu aucune communication en temps réel avec l'extérieur ; je n'avais vu ou parlé qu'aux cinq autres scientifiques isolés avec moi. Nous n'étions sortis qu'en analogues de combinaisons spatiales, avions mangé de la nourriture lyophilisée et avions été observés au quotidien par des équipes situées à des milliers de kilomètres de là. J'ai eu le privilège d'être l'un des six équipiers de la mission Hawaii space exploration analog and simulation IV, une expérience financée par la Nasa pour préparer l'exploration de la planète Mars. Plus précisément, pour développer des stratégies permettant de maintenir les futurs astronautes compétents et sains d'esprit malgré des conditions de vie difficiles.

Je me présente : Cyprien, membre de la génération Y. Oui, cette génération à laquelle on reproche souvent d'être paresseuse, indisciplinée et hédoniste. Cette génération dont on croise parfois le regard lorsqu'il daigne s'écarter d'un écran d'ordinateur ou de téléphone. Celle dont on se demande peut-être pourquoi elle est si peu entreprenante et si avide de divertissements.

Dans l'attente

Pourtant ma génération n'est pas le reflet d'une décadence ou d'une perte de valeurs. Elle est simplement dans l'attente. Elle est extrêmement éduquée et possède des outils dont la génération précédente ne rêvait même pas : ses téléphones sont plus puissants que les ordinateurs utilisés pour rejoindre la Lune, elle peut partager ses idées largement et instantanément sur internet, et les cours des plus grandes universités sont à portée de ses écrans tactiles. Mais elle est hésitante quant aux problèmes auxquels appliquer sa force.

En France, aucune guerre n'a frappé à nos portes, aucune épidémie n'a décimé nos populations, et nombre d'entre nous prennent pour acquis le fait d'avoir un toit et de la nourriture en abondance. Le revers de notre chance, c'est qu'aucun objectif ne devient évident. Les plus audacieux d'entre nous trouvent une quête parmi les nombreuses options qui s'offrent à eux : ils militent pour l'environnement, créent une entreprise innovante ou affichent leurs talents de comédien sur des plateformes virtuelles. Les autres, quant à eux, cherchent dans leurs sources infinies de distraction facile le moyen d'oublier qu'ils ne trouvent pas le sens dont ils ont besoin. Leur sentiment de ne pas progresser mais, simplement, de vieillir.

Ma génération a besoin d'un objectif fédérateur

Un objectif pour lequel brûler, unir ses forces et exploiter les incroyables outils dont elle dispose. Elle ne veut pas simplement régler les problèmes créés par les générations précédentes ; elle veut aussi aller de l'avant. Un tel objectif, lentement, se dessine : Mars. La Nasa s'est engagée à envoyer des hommes sur la Planète rouge dans les années 2030. L'entreprise SpaceX vise les années 2020. D'autres plans se mettent en place, plus ou moins visibles, plus ou moins crédibles. Peut-être les projets actuels ne se réaliseront-ils pas dans les délais annoncés. Peut-être qu'ils ne feront qu'inspirer ceux qui, plus tard, réussiront. Ce qui est certain, c'est qu'un intérêt pour Mars vient d'être ravivé. Et si la Planète rouge semblait inatteignable à nos grands-parents, elle est maintenant presque à portée de notre technologie.

Non, ma génération n'est donc pas une génération perdue. Elle n'a simplement pas encore montré de quoi elle est capable.

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Commentaire 1
à écrit le 19/08/2017 à 12:07
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Un bel article qui parlera à beaucoup de jeunes adultes. Merci Cyprien!

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