Réfugiés : défendre les droits de l’Homme et ceux de l’âme

Alors que ce 20 juin se tient la journée mondiale des réfugiés, Bernard Devert, fondateur d'Habitat et Humanisme, lance un appel. Celui à un sursaut de responsabilité face à l'épreuve traversée par les migrants. Car fermer les yeux, serait consentir à cet "in-ouï" insupportable.

La haine ensanglante de nombreux territoires devenus si inhospitaliers que leurs habitants sont confrontés à ce dilemme : partir ou mourir. Sur les routes et les mers que de cimetières de l'espoir. Il faut agir pour ne point aggraver une barbarie instrumentalisée par un obscurantisme déchaînant les instincts les plus vils ; personne ne peut dire "je ne savais pas." Fermer les yeux, c'est consentir à cet "in-ouï" insupportable conduisant ces frères fragilisés au silence. La question est de savoir si nous allons les croiser ou les rencontrer.

Ils s'en sont allés vers des territoires inconnus, franchissant les barrières de la langue, des coutumes et de la culture. Privés très souvent de ressources, ayant tout laissé pour donner priorité à la vie, ils sont démunis mais riches d'une audace et d'un courage qui forcent le respect. Cette reconnaissance est le déjà-là d'une estime, clé de la fraternité, offrant aux différences la trace ‑ non point des limites et des ruptures ‑ mais d'une ouverture et d'une possible communion.

Cri bâillonné

Il est des moments où pour rester humain, l'acte de résistance se propose à notre liberté, noblesse de l'âme pour qu'à cette haine aveugle, nous n'ajoutions pas notre indifférence. J'entends que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, suivant l'expression de Michel Rocard. Nous savons que le mot fit florès pour l'avoir mutilé, oubliant que son auteur appelait à ce sursaut d'humanité pour que l'Europe prenne sa part, toute sa part, dans ce combat.

La guerre contre la misère physique et morale n'est pas une option, elle est une urgence pour ne pas faillir au devoir d'assistance des êtres sans défenses. Qu'as-tu fait de ton frère, crie le Livre d'Humanité. Ce cri est bâillonné par les peurs constituant des barbelés et des murs invisibles mais bien réels. Or, la dignité ne permet pas de s'éloigner de l'hospitalité, premier rempart contre l'hostilité mortifère.

Se risquer

L'épreuve traversée par les migrants ne nous conduit-elle pas à ce sursaut de responsabilité, preuve que nos valeurs ne sont pas des mots mais une exigence éthique que nous ne voulons, ni ne pouvons déserter parce que nous croyons que l'Esprit vit.

Là où la haine fracture et déchire, la seule réponse qui vaille est de tisser des relations d'humanité. La journée mondiale des réfugiés, fixée ce 20 juin, ne pourrait-elle pas se révéler signe de l'écoute créatrice de ceux qui, ayant tout perdu dans la "traversée de l'enfer", trouvent des raisons de vivre, nous aidant à découvrir les nôtres.

Avec eux et parmi eux nous éprouvons que leur chemin d'exode est aussi celui que nous avons à reconnaître pour se libérer des replis sur soi. Souvenons-nous de Péguy, "le pire, c'est d'avoir une âme endurcie par l'habitude. Sur une âme habituée, la grâce ne peut rien. Elle glisse sur elle comme l'eau sur un tissu huileux... Les honnêtes gens ne mouillent pas à la grâce". Se mouiller, se risquer c'est sans doute la grâce des grâces pour un monde plus humain.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.