Pour une économie compréhensible par tous

Tout citoyen se sent dans son élément lorsqu'il s'agit de parler de l'économie du quotidien, mais il en va différemment quand il faut décrypter les raisonnements économiques des experts expliquant ce qu'il faut entreprendre pour lutter contre le chômage, restaurer la compétitivité de l'économie française ou réduire la dette publique. Dès lors, comment et par quels outils est-il possible de faire aimer l'économie au plus grand nombre lorsque celle-ci devient un peu plus technique ? L'économiste Pascal Le Merrer, fondateur des Journées de l'économie, donne des éléments de réponse.

Chaque français a sa représentation des sujets économiques à partir de son expérience, de son environnement, des informations qu'il interprète. Il faut cesser de croire que le problème quand on veut introduire des réformes ce serait l'ignorance des citoyens. Il y a une économie du quotidien que l'on ne peut ignorer, celle qui va des formes les plus traditionnelles que l'on pourrait appeler celle des boutiques et des marchés, pour passer par des initiatives locales où les consommateurs sont devenus des commerçants avec la généralisation des brocantes et vides greniers et enfin, plus récemment, avec internet et la multiplication des plateformes d'échange où l'individu s'est affranchi des contraintes spatiales. D'ailleurs, c'est avec des noms qui fleurent bon un monde idéal que ces plateformes comme le Bon coin, Yakasaider, Digitroc, Blablacar, Alibaba... jouent sur l'imbrication entre logique marchande, démarche collaborative et activité domestique.

Cette économie des individus touche aussi le travail, c'est ce que l'on appelle l'ubérisation de l'économie. Il n'y a que l'espace de la finance qui semble résister malgré les initiatives de la microfinance. Ce n'est pas un hasard, les sujets qui concernent la monnaie, la banque, la finance sont généralement considérés comme techniques et donc réservés à des professionnels.

Risque d'immobilisme

Chacun se sent plus ou moins dans son élément quand on s'intéresse à cette économie du quotidien, mais il en va différemment quand il faut décrypter les raisonnements économiques des experts qui nous expliquent ce qu'il faut faire pour lutter contre le chômage, pour restaurer la compétitivité de l'économie française ou pour réduire la dette publique.

Cela fonctionne un peu comme s'il y avait une opposition entre économie des individus et économie d'une élite, ce qui peut rapidement créer un déficit démocratique. En effet, si les citoyens réagissent en pensant que les raisonnements économiques servent à habiller les intérêts des dirigeants politiques et économiques, ou que les discours économiques sont obscurs et sans intérêts puisqu'alimentés par des débats permanents entre des experts qui ne sont jamais d'accord ; alors, il n'y a qu'un pas qui conduit à penser que notre économie fonctionnerait beaucoup mieux si elle reposait sur le bon sens de chacun qui agirait selon son expérience et ses intuitions.

Cette situation n'est pas seulement dommageable pour le bon fonctionnement de la démocratie, elle est aussi coûteuse pour tous les individus qui perçoivent leur environnement économique comme incompréhensible, voire hostile, ce qui incite à une situation de repli où l'on repousse les décisions dans un futur indéterminé. Le risque est celui de l'immobilisme, tandis qu'une partie de la population, mieux informée fait des choix d'éducation, de lieu de résidence, de réseau professionnel qui produit un véritable dualisme dans la société.

Partir de l'économie du quotidien

Alors que peut-on faire ? Certainement partir de l'économie du quotidien pour introduire les raisonnements utiles à chacun, favoriser une information économique compréhensible, insister sur ce que nous enseignent les données, montrer qu'au-delà des  débats une partie des savoirs sont robustes, partir d'exemples sur les résultats contre-intuitifs que génèrent une mesure ou un changement de contexte. Prenons le cas d'un phénomène majeur qui devrait nous intriguer : pendant tout le XXe siècle, nous avons assisté au remplacement partiel du travail domestique, qui se faisait souvent au sein de la famille par de l'emploi marchand avec le développement de la "société de consommation".

Aujourd'hui, nous sommes dans une dynamique inverse, les agents économiques privés font de plus en plus d'opérations sur internet qui viennent remplacer les activités des professionnels (agence bancaire, agence de voyage...). Ils se substituent aux caissières de la grande distribution lorsqu'ils scannent directement leurs produits, aux taxis quand ils font du covoiturage. Nous voyons aussi se développer des entités qui regroupent des communautés comme les fabs labs. C'est une partie de l'emploi salarié qui est en train de fondre. On a déjà vu disparaître 800 000 emplois dans l'industrie en 15 ans.

Si maintenant un phénomène d'érosion touche les services, il est temps de permettre à chacun d'avoir tous les éléments de compréhension afin de comprendre la situation et les futurs possibles.

Des outils de compréhension

Pour cela, nous n'avons jamais disposé d'autant d'outils pour informer et expliquer. D'abord avec internet : portails pédagogiques, blogs, Mooc, etc. Ensuite, avec les experts qui prennent conscience qu'il faut expliquer et dialoguer avec les citoyens, là encore les initiatives se multiplient, les Journées de l'économie participent de cette démarche.

Enfin, nous voyons fleurir des actions sur les territoires qui relèvent de l'économie sociale et solidaire, de l'économie circulaire, de l'économie collaborative, de l'économie verte, mais aussi de nouvelles formes d'organisation des entreprises qui coopèrent pour favoriser l'innovation tout en étant en concurrence pour conquérir de nouveaux marchés...

Toutes ces démarches génèrent une relation aux enjeux économiques qui devrait être mieux partagée par les citoyens et qui pourrait aider à ne pas laisser une partie des territoires en marge de cette dynamique.

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