France : le grand gâchis !

Marine Le Pen en tête des sondages et Jean-Luc Mélenchon à plus de 15 %. Comment la France en est-elle arrivée là ? Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI et auteur de l'essai "La fin d'un monde", porte un regard sévère sur les vingt dernières années tout en appelant à "garder l'espoir"...

Le Front National aux portes du pouvoir ? Mélenchon à plus de 15 % des intentions de vote ? Une campagne présidentielle surréaliste où les programmes ne sont quasiment pas évoqués et qui a notamment été marquée par des débats relevant de la "télé-réalité" indignes d'une grande puissance comme la France. Face à de telles dérapages, une question s'impose : Comment en est-on arrivé là ? Comment la France, qui disposaient d'une croissance structurelle de 2,5 % au début des années 1990, avec une dette publique de moins de 60 % du PIB et qui était alors le leader politico-économique de l'Europe, a pu tomber si bas ?

La réponse est malheureusement simple : cette descente aux enfers s'explique principalement par le manque de courage et la démagogie des dirigeants du pays. En effet, au cours des vingt dernières années, ces derniers ont eu trois occasions claires d'engager l'Hexagone sur la voie de la modernisation économique, ce qui lui aurait permis d'améliorer sa croissance, de réduire ses déficits et d'éviter par là même de plonger dans la spirale de la dette. Malheureusement, ces trois « aubaines » ont été littéralement gâchées.

Une "cagnotte" qui n'en était pas une

La première occasion manquée date des années 1998-2000. À l'époque, la croissance était forte (près de 4 % par an), portée notamment par la révolution des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication), une activité mondiale vigoureuse, un baril peu cher et un euro faible. Il était donc aisé d'assainir les dépenses publiques et de supprimer celles qui étaient superflues.

Pourtant, en dépit de ces « cadeaux du ciel », le gouvernement français de l'époque, en l'occurrence celui de Lionel Jospin, n'a pas eu le courage ou plutôt l'envie d'abaisser les dépenses et les déficits structurels. Pire, il les a augmentées, préférant mettre en exergue une « cagnotte » qui n'en était pas une. Comment pouvait-on effectivement parler de « cagnotte » alors que les déficits publics restaient élevés ?! Contre toute rationalité économique et en toute irresponsabilité à l'égard des générations à venir, le gouvernement de l'époque a donc transformé un excès de recettes fiscales conjoncturelles en un accroissement des dépenses publiques structurelles. Car, bien évidemment, dans l'Hexagone, lorsqu'on augmente une dépense publique, on ne revient quasiment jamais dessus.

Parallèlement, les dirigeants français ont choisi de réduire la durée légale du travail et par là même d'augmenter le coût de celui-ci, tout en rigidifiant le marché de l'emploi. Ensuite, il y eut le krach Internet, les attentats du 11 septembre 2001, la guerre en Afghanistan, et la croissance forte disparut pour ne plus jamais revenir, du moins dans l'Hexagone. Aussi, dès que la croissance est revenue vers un niveau plus normal (c'est-à-dire autour des 1 %), les déficits publics ont de nouveau explosé. Cette stratégie court-termiste et par définition inefficace ne portera d'ailleurs pas bonheur à son instigateur, puisque Lionel Jospin ne passera même pas le premier tour des élections présidentielles de 2002, permettant à Jacques Chirac d'être réélu avec plus de 80 % des voix.

Une rupture qui ne vint jamais

D'où la seconde occasion gâchée, puisqu'en dépit de cette réélection avec un score digne d'un dictateur et bien qu'il entamait son second et dernier mandat, notre Président n'engagea aucune réforme de fond. Il y eut bien la réforme des retraites, dite « réforme Fillon », mais celle-ci s'avéra rapidement caduque dans la mesure où son cadrage financier tablait sur une croissance économique de 3 % et un taux de chômage de 4,5 %... Bien entendu, ce dernier est vite remonté vers les 9,5 % dès 2006.

La roue a cependant tourné une nouvelle fois. Grâce à un effet de rattrapage de la faiblesse passée, mais surtout grâce à une croissance mondiale forte, l'économie française a renoué avec un semblant de dynamisme. La progression du PIB s'est redressée au-dessus des 2 % et le taux de chômage est reparti à la baisse pour atteindre un point bas de 7,2 % au premier trimestre 2008.

Mais, la malchance s'est encore acharnée sur notre pauvre économie. Celle-ci a donc connu un troisième gâchis à partir de 2007, année qui devait marquer le lancement d'une rupture, qui ne vint jamais. Ainsi, alors que la crise des subprimes n'a pas encore éclatée, le Président Sarkozy promet qu'il va diminuer les dépenses publiques, moderniser la France et redonner du travail et du pouvoir d'achat à un maximum de Français. Malheureusement, il n'en a rien été et la première année de cette Présidence n'a pas été utilisée pour réduire la dépense publique, ni la pression fiscale, ni encore les rigidités du marché du travail. Certes, certaines réformettes ont été effectuées, mais elles ont été bien insuffisantes par rapport à celles qui étaient indispensables.

Trente ans de mensonges

Le baril à 150 dollars, l'irresponsabilité de la BCE, l'euro à 1,60 dollar, la faillite de Lehman Brothers, la crise financière, puis celle de la dette publique et enfin celle de la zone euro ont alors fait le reste. La France a logiquement plongé dans la récession et le chômage a flambé. Ainsi, bien qu'ayant été élu sur un programme de baisse des dépenses publiques, le Président Sarkozy ne parvint pas à tenir ses promesses et quitta l'Élysée avec un ratio de dépenses publiques / PIB de 56 %, soit presque 4 points de plus qu'à son arrivée.

Face à de tels gâchis, la France est donc naturellement tombée dans la marmite de la "bulle de la dette", perdant au passage son leadership économico-politique européen au profit de l'Allemagne. Et ce n'est évidemment pas le mandat de François Hollande qui a permis d'inverser la tendance. Bien au contraire.

Abreuvés de mensonges pendant trente ans, les Français sont désormais désabusés. Si bien qu'aujourd'hui une majorité d'entre eux semblent prêts à voter pour des partis extrémistes qui ne feront évidemment que le malheur de notre « douce France ». Mais peut-être faut-il passer par la crise politique qui arrive pour enfin prendre les bonnes mesures et sortir de plus de vingt ans de gâchis. Gardons l'espoir...

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