La France, est-ce toujours Paris ?

La France reste encore aujourd'hui en Europe le seul pays important dont les forces politiques, économiques, culturelles et médiatiques restent concentrées en un seul endroit, Paris, c'est-à-dire l'Île-de-France. Pourtant 96% de la superficie de la France n'en fait pas partie, tout comme 81% de sa population et encore aujourd'hui 70% de son PIB. Alain Renaud, auteur de "La France, un destin" et consultant en géopolitique et géostratégie, livre une analyse critique du centralisme à la française…

La centralisation extrême de la France qui s'est réalisée au profit des petits rois de Francie - l'Île-de-France d'aujourd'hui - aux dépens des autres féodalités et des villes concurrentes de Paris,  dont l'ancienne capitale de la France, Lyon, a atteint son paroxysme sous les règnes de Louis XIV, puis de la Révolution et de l'Empire.

Inspirée par l'antique modèle de l'Empire romain, elle a longtemps bénéficié à la France, lui permettant de l'emporter facilement sur des nations éclatées comme l'Allemagne ou l'Italie.

Mais une fois leur unité crée, nos voisins se sont bien gardés de centrer toute leur force sur un seul point de leur territoire. Ils ont conservé ce qui faisait leur attractivité économique et culturelle, des régions et des villes riches et puissantes, alors que la France ne cessait de renforcer le poids de Paris et attirait tous les talents vers la capitale. Au point d'assimiler progressivement Paris à la France.

Si la France est devenue rapidement Paris qui est restée fondamentalement la source unique du pouvoir, c'est qu'aucune autre ville, Lyon la première, n'a pu résister à cette domination.

Pourtant, on peut considérer qu'aujourd'hui, Paris et le désert français qu'avait décrit Jean-François Gravier dans son ouvrage de 1947, appartient au passé. Il n'y a plus de désert français. Mais l'essentiel du pouvoir, dans tous les domaines, reste à Paris.

Un modèle qui s'effrite

Heureusement, cet état de fait millénaire commence sérieusement à s'effriter.

Ce sont d'abord les migrations interrégionales qui voient fuir chaque année de Paris près de 100.000 habitants vers le sud et l'ouest de la France, quand ce n'est pas à l'étranger. Nombre d'entre eux sont de jeunes couples, et non plus seulement des retraités, optant pour un équilibre heureux entre vie professionnelle et qualité de l'environnement. Des ingénieurs, des cadres supérieurs, des chercheurs qui vont vivifier les grandes métropoles que sont désormais Lyon, Toulouse, Bordeaux ou Nantes.

Ce sont les moyens de communications et de transport, internet comme le TGV ou les vols low-cost, qui permettent à tous les Français, où qu'ils soient, d'accéder à l'information, à la culture, aux déplacements proches et lointains, sans pour autant être obligés de résider en bord de Seine.

Le retard des élites

Si l'environnement des Français a radicalement changé, la perception d'une grande partie de l'élite politique, économique, culturelle et médiatique n'en a pas encore pris la mesure.

Les grandes chaines télévisées ne parlent que des théâtres parisiens, les politiques que des projets du grand Paris, et les élites continuent imperturbablement de considérer ce qui n'est pas Paris dans un tout informe. Ils sont encore persuadés que tout centrer sur un seul endroit reste une force, que cette réalité totalement déséquilibrée est un bienfait pour notre pays, nonobstant leur passion constante pour l'égalité.

Ils vivent dans le passé. Ils restent figés dans une phraséologie qui reste celle du XIXe siècle.

Cette centralisation politique, mais aussi économique et culturelle, n'a été imitée par aucun pays européen significatif, qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne et même la Grande-Bretagne ni même aucune grande nation émergente, qu'elles soient la Chine, l'Inde ou le Brésil.

Dans tous ces pays, la capitale se voit équilibrée par une ou plusieurs métropoles.

Les candidats à la présidentielle se réclament presque tous de Charles de Gaulle, mais ils se gardent bien de faire référence à son discours de Lyon du 24 mars 1968 où il proclamait sans ambages : "L'effort de centralisation ne s'impose plus désormais. Ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de la puissance économique de la France de demain".

Dépasser la décentralisation

C'est la régionalisation de la France, et non seulement, la décentralisation, qui lui permettra seule de réaliser une révolution territoriale qui constitue un des changements clé de son redressement et de sa démocratisation.

Elle ne viendra pas des politiques, mais de la transformation de la société civile qui s'opère silencieusement sous nos yeux.

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Commentaires 2
à écrit le 25/05/2021 à 15:41
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Bravo, voilà un vrai discours qui ne laisse pas la voix à ceux qui rabrouent systématiquement tous propos régionalistes qu'ils viennent des Corses Bretons Basques qui il faut aussi le dire affirment qui ils sont et leurs histoires propres. Mais là,...

à écrit le 17/03/2017 à 13:10
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Les jeux olympiques a Marseilles !

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