L'heure du taylorisme digital a-t-elle sonnée ?

L'essor de la numérisation et le poids croissant du digital dans l'économie remettent d'actualité les vieux principes du taylorisme : ils ont même plus de réalité que jamais. Cette thèse, qui apparaissait provocatrice et iconoclaste il y a encore quelques années, commence à être des plus défendables. Par Pascal Gustin, président d'Algoé.
Pascal Gustin, président d'Algoé
(Crédits : DR)

Pour rappel, la pensée de Taylor s'appuie sur trois piliers : 1) l'analyse fine de la chaîne de valeur permettant de la parcelliser ; 2) la recherche permanente d'une optimisation des tâches ; 3) la rétribution des salariés sur la base de leur performance. Cette approche "scientifique" du travail induit une séparation entre la conception et l'exécution du travail. Lorsque l'on analyse les principaux modèles issus de l'économie numérique, on constate des analogies troublantes avec les organisations de type taylorien.

On remarque tout d'abord une recomposition des chaînes de valeurs, traduite par une nouvelle parcellisation des tâches à des fins de productivité. En effet, les nouvelles technologies permettent de segmenter le travail de façon différente : les "concepteurs" des nouveaux modèles d'affaires ont souvent besoin de "producteurs" pour les déployer.

Lire aussi : Demain, tout et tous uberisables ?

Ces producteurs, qui peuvent être des travailleurs indépendants, se retrouvent dans des positions d'exécution de tâches comme dans une chaîne de production taylorienne dématérialisée. De plus, les nouvelles technologies permettent de piloter et de contrôler l'activité en continu, en étant au plus proche des opérateurs. Les performances seront aussi beaucoup mieux mesurées, échantillonnées et évaluées.

"Cols bleu ciel"

La réalité est bien sûr plus complexe et ces analogies ne reflètent pas l'intégralité des univers économiques du numérique. Certains prédisent la fin des cols blancs et des cols bleus, et l'émergence de "cols bleu ciel", plus indépendants et plus libres. On peut en douter, car l'augmentation de la productivité et la rémunération à la performance, chers à Taylor, sont bien présentes dans la nouvelle économie qui repose, elle aussi, sur la normalisation et la rationalisation.

Le taylorisme digital est là et concerne un grand nombre d'emplois, car les technologies numériques permettront un déploiement à grande échelle. Il reste à inventer des modes de régulation efficaces pour en juguler les excès qui sont déjà en train d'apparaître, tout comme il a été fait pour le taylorisme industriel.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 04/01/2017 à 9:55
Signaler
Bonjour, Merci pour cet excellent billet. Le modèle de ma société repose exactement sur ce que vous décrivrez. Un des éléments constitutifs de l'industrialisation, dans l'horlogerie notamment, a été de rassembler tous les travailleurs sous le mem...

à écrit le 04/01/2017 à 9:16
Signaler
a-t-elle sonné (pas ée)

à écrit le 03/01/2017 à 19:57
Signaler
Si demain tout et tous ubérisables, il faut savoir que dans le Taylorisme l'homme est également analysé par ces performences, certain travail à "80 d'autres à 130" et il faut arriver à une allure modale qui est 100. Dans la théorie tout le monde peu...

le 04/01/2017 à 10:02
Signaler
Bonjour ! Sur la performance de chacun et la marche forcée, l'industrialisation digitale permet peut-être de transformer le travail "à la chaine" en travail "en chaine". La multiplication des intervenants offrirait l'opportunité de maitriser et rég...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.