Entreprises et risque terroriste : quelles mesures préventives ?

Les entreprises sont aujourd'hui confrontées à la gestion du risque terroriste et ont l'obligation de mettre en œuvre des actions visant à protéger leur personnel. Leur environnement est cependant incertain et elles doivent dans toutes leurs actions, veiller en permanence au respect des règles de non-discrimination, des libertés individuelles et de convictions personnelles, politiques, morales, philosophiques ou religieuses. Par Françoise Albrieux-Vuarchex, Avocat Associée, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon.
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Le Code du travail pose le principe selon lequel l'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour "assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". Selon la Cour de cassation, il s'agit d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose  d'assurer de manière effective la sécurité et la protection  des salariés.

Intégrer le risque terroriste

Face à une menace terroriste grandissante, la tâche des employeurs n'est pas aisée, surtout dans des secteurs à risque, où la manipulation de produits dangereux est quotidienne, tels que la chimie, la pétrochimie ou le nucléaire ou dans des secteurs comme le transport de personnes (aviation, métro, trains,..) tenus d'assurer en sus la sécurité des usagers.

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L'employeur doit intégrer le risque terroriste lors de son obligation d'évaluation des risques pour la sécurité et la santé des salariés, reportée dans le document unique de prévention des risques, qui est présenté au Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT). Il convient donc d'associer les partenaires sociaux et le CHSCT pour la mise en place des mesures préventives, le cas échéant par accord d'entreprise ou dans un programme de prévention adapté.

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Différentes actions peuvent être envisagées telles que des mesures de restriction d'accès aux sites sensibles, un plus grand contrôle des personnes, des sous-traitants, et des marchandises introduites dans l'entreprise, l'évaluation des postes jugés "à risque" et la réorganisation de l'entreprise au regard de ces considérations. Peuvent aussi être envisagées la mise en place d'une vigilance accrue sur le comportement des salariés, afin de déceler d'éventuels phénomènes de radicalisation, ainsi que des procédures de recrutement basées sur des enquêtes plus pointues.

Respects des libertés fondamentales

Il faut souligner que ces dispositifs ne doivent pas entrer en contradiction avec les libertés fondamentales internationales, telles que la liberté fondamentale de pensée, de conscience et de religion présente à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), une liberté qui est de plus protégée par l'interdiction des discriminations fondées notamment sur "la religion, les opinions politiques ou toute autre opinion". En droit français, cette protection est inscrite dans le Préambule de la Constitution qui énonce que "nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances" et par le Code du  travail.

Tout refus d'embauche, sanction ou licenciement fondés sur les convictions religieuses est susceptible de lourdes sanctions pénales et d'actions en nullité.

Néanmoins, suivant la Haute Cour dans un arrêt du 21 juin 2005, cette liberté fondamentale n'est pas absolue et peut donc être limitée par des restrictions répondant à une "exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée".

La loi travail du 8 août 2016 vient de donner une base légale à cette jurisprudence en autorisant les employeurs à inscrire dans le règlement intérieur "des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché".

Risque de désorganisation

Les salariés disposent de leur côté d'un droit de retrait leur permettant de cesser leur activité lorsqu'ils estiment qu'il existe un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, ou qu'ils ressentent toute défectuosité dans le système de protection. Ainsi la non gestion du risque terroriste par un employeur pourrait conduire, outre la réelle mise en danger des salariés, à une désorganisation de l'entreprise dans le cas de l'exercice par de nombreux salariés de leur droit de retrait.

Enfin aucune disposition légale ne permet de licencier un salarié réputé radicalisé ou faisant l'objet d'une fiche "S". L'employeur devra alors mesurer le risque, en coopération, le cas échéant, avec les autorités militaires et de police, et tenter de trouver une solution compatible avec son obligation générale de sécurité à l'égard du personnel et les principes du droit du travail.

Il est donc nécessaire pour tout employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, d'évaluer le risque terroriste dans son entreprise, d'élaborer un véritable dialogue avec les partenaires sociaux et le CHSCT, et de mettre en œuvre une organisation et des moyens adaptés de prévention du risque terroriste. De telles mesures doivent favoriser ainsi des relations de travail sereines dans un environnement de travail sécurisé.

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