La discrimination, une aberration économique !

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, vient de rendre public les résultats d'une enquête sur les discriminations dans l'accès à l'emploi. 60 % des répondants déclarent avoir été "souvent" ou "très souvent" victimes de discriminations. Rien de bien nouveau me direz- vous ! Et c'est sans doute justement là le principal enseignement. Pourtant, la diversité peut être une vraie richesse pour l'économie nationale. Explications. Par Nadia Hamadache, juriste spécialiste des politiques publiques d'égalité, cabinet Concept RSE.

Les nombreuses études menées depuis plusieurs années font toutes le même constat : les discriminations perdurent dans notre pays notamment à raison de l'origine (pour 62 % des répondants) mais aussi en raison du nom de famille ou de la religion. Ces critères se cumulent et s'entrecroisent pour construire un mur quasi infranchissable dans l'accès au marché du travail.

"Un tiers des répondants considèrent avoir été discriminés sur au moins trois motifs", précise le Défenseur des droits.

Mais plus que des chiffres, cette étude montre la somme des obstacles auxquels sont confrontées ces personnes : "Jeune, d'origine étrangère, vivant dans un quartier populaire ..." ; la panoplie du parfait outsider !

Les limites des actes législatifs

Pour endiguer ce gâchis de compétences, nous légiférons. Ajoutant critère après critère à la liste déjà longue des motifs prohibés par le code pénal. Le dernier en date étant la discrimination à raison de la précarité sociale inséré par la loi du 24 juin 2016[1].

Par ailleurs, les pouvoirs publics tentent de freiner ce fléau par différentes actions de sensibilisation, de formation ou à coup de coûteux testings qui ne cessent l'un après l'autre de confirmer les discriminations. De même, quelques grandes entreprises ont développé des programmes en faveur de la Diversité. Mais comment cela impacte t-il nos PME, principales pourvoyeuses d'emploi ?

Méritocratie bloquée

Le constat est d'autant plus amer chez ces jeunes français qu'ils ont le sentiment d'avoir joué le jeu de la méritocratie. Beaucoup sont bien formés, plein de panache, de fraîcheur et d'envie. Ils veulent éprouver leurs talents et pour cela ils sont prêts à donner le meilleur d'eux-mêmes. Mais nos entreprises n'en veulent pas ! "J'ai fait 3 masters en Alternance ... je fais des petits boulots" déclare cet homme de 34 ans dépité.

Lire aussi : Le recrutement prédictif, une arme contre la discrimination à l'emploi

Alors certains vont proposer leurs compétences ailleurs, aux USA, à Dubaï et même à Singapour. Comme Marie-Renée, 25 ans, CAPA[2] en poche, désespérée après n'avoir été convoquée qu'à deux entretiens sur ses 50 dernières candidatures.

"Il n'y a pas de preuves concrète ...,  mais je regarde les faits et c'est vrai qu'on se dit qu'il y a un problème. Qu'est-ce que j'ai de différent des autres ? " explique-t-elle dans une émission diffusée sur France Info en mars 2016.

150 milliards d'euros de perte de richesse nationale

Le 20 septembre, France Stratégie a remis un nouveau rapport à la ministre du Travail qui mesure le coût des discriminations pour notre économie. 150 milliards d'euros de perte de richesse nationale. Ce qui représente sur quinze ans 7 points de PIB.  Une autre étude réalisée par les politologues Naves et Martin avaient estimé à 10 milliards d'euros par an le coût de la discrimination en France[3].

A l'heure où le "négationnisme économique" fait débat, nous pourrions a minima opter pour une approche rationnelle de la question à défaut d'une approche humaniste. A ce propos, les PME ont leur rôle à jouer. Cela relève de leur responsabilité sociale mais plus opportunément de leur intérêt économique. Mais la seule bonne volonté n'est pas suffisante. La diversité, pour constituer un vrai changement positif pour l'entreprise, doit  s'inscrire dans une stratégie réfléchie et concertée avec l'ensemble des parties prenantes. Un beau pari !

[1] LOI n° 2016-832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale publiée au JORF n°0147 du 25 juin 2016.

[2] certificat d'aptitude à la profession des avocats

[3] "Talents gâchés" paru en 2015 aux éditions de l'Aube

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.