Notre système de justice n’est pas à la hauteur de notre pays

L'insuffisance du nombre de magistrats et de greffiers date de plusieurs années et la situation s'est fortement dégradée au sein de nombreuses juridictions. Ce déficit de ressources entraîne des délais très importants, trop importants, et insupportables pour les justiciables. Par Laurence Junod-Fanget, Bâtonnière du Barreau de Lyon.
Laurence Junod-Fanget, Bâtonnière du Barreau de Lyon.

Dimanche 3 avril dernier, Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux, confiait au Journal du Dimanche son malaise face au "risque que la machine judiciaire se grippe". Mais face à l'état d'urgence budgétaire actuel, il faut le dire, la machine est grippée, et depuis longtemps !

Manque d'effectif

En ma qualité d'avocat, de partenaire de justice, je ne peux que confirmer cette situation qui n'est pas nouvelle. Le manque d'effectif est un sujet récurrent. L'insuffisance du nombre de magistrats et de greffiers date de plusieurs années et la situation s'est fortement dégradée au sein de nombreuses juridictions. Ce déficit de ressources entraîne des délais très importants, trop importants, et insupportables pour les justiciables.

À Lyon, il faut actuellement huit mois pour être convoqué devant le juge aux affaires familiales dans le cadre d'un divorce. Le stock des dossiers en attente à la chambre de la famille équivaut à un an de contentieux. En matière de construction et de propriété intellectuelle, alors que le dossier est en état d'être plaidé, il faut attendre deux ans. Devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, il faudrait cinq ans pour remédier au retard (8 000 dossiers).

Derrière ces chiffres, ce sont des centaines de particuliers, sociétés, artisans qui sont dans l'attente d'une décision de justice. Les créations de postes ces dernières années restent bien en deçà des besoins. L'effectif des magistrats et des greffiers doit être réévalué à la hausse au regard du volume des dossiers.

Des actions pour agir

En ma qualité de Bâtonnière, si je me réjouis des bonnes relations entre le barreau et les magistrats, je ne peux que constater le manque de moyens mis à leur disposition. Des réunions régulières avec les chefs de juridictions permettent d'échanger de façon constructive, de nous concerter et de trouver des solutions pragmatiques.

Pour parler d'actions concrètes, des dispositions seront prises en concertation à l'occasion de la Coupe d'Europe de football (renforcement du dispositif de permanences garde à vue et de comparution immédiate par les avocats).

Nous n'attendons pas pour agir et pour faire avancer les choses. Les barreaux prennent à leur charge de nombreuses missions d'intérêt général.

Le Barreau est aussi force de proposition. Depuis trois ans, il a pris des initiatives pour développer et promouvoir les modes amiables de résolution des différends en lien avec les juridictions, notamment en organisant au sein du Palais de justice des consultations gratuites sur ces modes amiables. Le Centre de Justice Amiable des avocats, ouvert depuis le mois de juin 2014, informe les citoyens sur ces nouveaux outils.

Mais ne nous méprenons pas, les modes amiables n'ont pas pour vocation de pallier l'insuffisance de moyens de la justice et de désengorger cette dernière. Ces nouveaux modes de règlement des litiges répondent à un changement profond des mentalités et des désirs de nos concitoyens. Ils ne doivent pas empêcher le justiciable d'avoir recours au juge.

Paupérisation de notre système judiciaire

C'est une réelle opportunité qui doit être soutenue par l'État. Malheureusement, le projet de réforme de la Justice du XXIe siècle est pour l'instant "enterré". Notre système de justice n'est pas à la hauteur d'un pays comme la France. Il faut que l'État prenne des mesures financières pour remédier à la paupérisation de notre système judiciaire. Ce n'est pas aux citoyens, aux magistrats et ni aux partenaires de justice d'en supporter les conséquences.

Selon une étude de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (2014), la France consacre à sa justice 61 euros par habitant et par an. C'est bien en dessous de ce que font l'Allemagne (114 euros), l'Angleterre (96), la Belgique (89) ou encore l'Italie (77).

Notre pays se classe 37e sur 45 sur la base du budget de la justice rapporté à la population du pays et à la richesse mesurée par le PIB par habitant. La justice en France est donc toujours le parent pauvre de l'État.

Or, l'accès à la justice est aussi important que l'accès aux soins ou à l'éducation. L'État doit donner à la justice française des moyens décents et garantir ainsi nos valeurs fondamentales. C'est une question de démocratie.

J'invite tous ceux qui le souhaitent à échanger sur ces questions lors d'un Live Tweet jeudi 7 avril, à partir de 18 h, depuis le compte du Barreau de Lyon @Avocatslyon via le #LTBaton.

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Commentaire 1
à écrit le 07/04/2016 à 18:45
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Incontestablement, la justice manque de moyen mais elle ne fait pas grand chose pour que moi, citoyen, je souhaite lui en donner plus. Quelques exemples : Tout est fait pour qu'un divorce à l'amiable se fasse avec un avocat et le passage devant un ...

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