Qu'en est-il des injustices climatiques Nord-Sud ?

Depuis 25 ans, les négociations internationales sur le climat sont parasitées par les difficultés politiques entre pays du Nord et du Sud. Une césure qui jusqu'ici n'a pas permis d'avancées convaincantes. Par Olivier Godard, directeur de recherche au CNRS, chercheur associé au département d’économie de l’École polytechnique. Olivier Godard sera présent aux Journées de l’Économie de Lyon, dont La Tribune et Acteurs de l'économie sont partenaires.

Depuis leur lancement au début des années 1990, les négociations internationales visant à éviter une « interférence dangereuse avec le système climatique de la planète » ont été confrontées à d'importantes difficultés politiques entre pays du Nord et du Sud. Les contentieux historiques y ont été importés.

Contexte initial tendu

Le Sud voulait négocier une nouvelle politique de développement et de lutte contre la pauvreté, tout en considérant le Nord comme totalement responsable de l'émergence du problème climatique. Il s'en est suivi des demandes multiples : le Nord devait drastiquement réduire ses émissions pour laisser un « espace » carbone suffisant pour le développement du Sud ; le Nord devait compenser le Sud injustement victime de dommages climatiques ; le Nord devait céder gratuitement ses meilleures techniques ; le Nord devait allouer d'importantes ressources financières à l'adaptation des économies du Sud à la nouvelle donne climatique.

Sans être unanimes dans leurs positionnements, les pays du Nord voulaient une convention focalisée sur le problème climatique et impliquant tous les pays, quel que soit leur niveau de développement ; ils proposaient une voie estimée réaliste de répartition internationale des efforts à partir des niveaux d'émission respectifs à la date de l'accord en plaçant l'idée de convergence des émissions de GES par tête à un horizon lointain ; ils estimaient que la plus grande part des ressources financières et technologiques destinées au Sud devaient relever de l'investissement de capitaux privés.

Une césure sans résultats convaincants

C'est dans ce contexte tendu qu'en 1992 la convention sur le changement climatique a retenu trois principes de répartition internationale des efforts et des droits : l'équité, la responsabilité commune, mais différenciée des pays, et les capacités propres à chaque pays. Sans préciser l'interprétation concrète et précise des exigences dérivées de ces principes, si ce n'est que les pays développés devaient prendre les devants dans la lutte contre le dérèglement climatique. D'où la distinction de deux groupes de pays : l'essentiel des obligations incombait aux pays du Nord, tandis que les pays du Sud s'installaient dans une posture de victimes exigeant compensations, aides et transferts, tout en proclamant leur droit non négociable à se développer sans contraintes additionnelles. Le protocole de Kyoto avait confirmé en 1997 cette césure, sans résultats globalement convaincants du fait des avantages exorbitants concédés à la Russie et à l'Australie, de la non-adhésion des États-Unis et du retrait canadien.

C'est ainsi que le thème de la justice climatique a été mobilisé sous une forme d'abord dénonciatrice et accusatoire, articulée à la revendication de nouveaux droits à l'environnement et au développement. Diverses ONG, s'associant à des chercheurs, ont développé ou entretenu ce positionnement, confortant les perceptions et croyances normatives de la plupart des porte-paroles du Sud autour de quelques idées : les problèmes d'environnement d'échelle planétaire sont attribuables aux modes de production et de consommation du Nord ; la capacité d'agir réside dans les pays du centre et pas ceux de la périphérie de l'ordre capitaliste ; les gouvernements des pays du Nord instrumentalisent cyniquement la question environnementale et climatique afin de bloquer le développement des pays du Sud. Ces croyances ont constitué un obstacle sérieux à une coopération internationale pourtant attendue de tous côtés.

Le seuil des 2°C

En fait les émissions cumulées de tous les gaz à effet de serre (GES), et pas seulement du CO2 d'origine énergétique, sur la période 1850-2010 se partagent dans une proportion de 52% pour le Nord et 48% pour le Sud. Sur 1990-2010, la proportion s'est inversée : 43,5% pour le Nord et 56,5 pour le Sud. Depuis 2010, cet écart s'est encore amplifié. Ces chiffres moyens recouvrent d'importantes différences au sein de chaque groupe de pays, par exemple entre la Chine et l'Inde ou la Corée et les pays d'Afrique.

La communauté internationale a retenu l'objectif de non-dépassement du seuil des 2°C d'augmentation de la température moyenne de la basse atmosphère. Cela correspond à une cible de concentration de GES de 450 ppm. C'est jugé insuffisant par des scientifiques comme James Hansen, par certains pays vulnérables qui voudraient un seuil de 1,5°C et par des ONG qui ont lancé le slogan « 350 » pour désigner une cible de 350 ppm, alors que nous en sommes déjà à plus de 470. Ce serait le seuil permettant de ne pas mettre en danger le système climatique. Or ce seuil n'a été dépassé qu'à partir de 1988. Ainsi l'essentiel des émissions historiques antérieures à 1990 n'est pas à l'origine des dommages climatiques, attribuables aux émissions postérieures à cette date. C'est l'affaire commune de tous les pays du monde que d'y parer.

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