Nourrir correctement l'humanité entière, c'est possible !

Il est déjà possible de promouvoir des systèmes de production agricole susceptibles d'assurer simultanément la qualité et la quantité. Mais les obstacles à la mise en œuvre de tels systèmes ne sont pas tant d'ordre technique que de nature socio-économique et politique. Par Marc Dufumier, professeur émérite à l'AgroParisTech.

L'agriculture de demain devra être capable de procurer une alimentation diversifiée, saine et de grande qualité gustative, à une population sans cesse croissante, d'approvisionner les autres secteurs de l'économie en matières premières (amidon, bois, fibres, peaux, molécules médicinales, etc.), de s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique global, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, de séquestrer du carbone dans les sols, de bâtir des paysages harmonieux et de fournir divers services environnementaux, sans occasionner de pollutions majeures et en préservant les potentialités productives (la « fertilité ») des agro-écosystèmes sur le long terme.

L'inspiration de l'agro-écologie

D'un point de vue strictement technique, il est d'ores et déjà possible de promouvoir des systèmes de production agricole susceptibles d'assurer simultanément ces objectifs, sans coût majeur en énergie fossile ni recours exagéré aux engrais de synthèse et produits phytosanitaires.

Ces systèmes inspirés de l'agro-écologie consistent en premier lieu à associer simultanément dans les mêmes champs diverses espèces et variétés végétales (céréales, tubercules, légumineuses, etc.), de façon à ce que l'énergie solaire puisse être au mieux interceptée par leur feuillage pour sa transformation en calories alimentaires. Ces associations de cultures contribuent à recouvrir très largement les terrains cultivés avec pour effet de protéger ceux-ci de l'érosion, de limiter la propagation des agents pathogènes et de minimiser les risques de mauvais résultats en cas d'accidents climatiques.

Créer un écosystème vertueux

L'intégration de plantes de la famille des légumineuses (haricots, pois, lentilles, trèfle, luzerne, etc.) dans ces associations culturales permet de fixer l'azote de l'air pour la synthèse des protéines et la fertilisation des sols. L'association de l'agriculture à l'élevage permet de recycler les résidus de culture pour l'affouragement des animaux et la confection de leurs litières.

Fumiers et composts sont d'excellents engrais organiques qui contribuent à maintenir la fertilité des sols. Le recours à des champignons mycorhiziens permet de rendre assimilables par les plantes des éléments minéraux qui restent sinon coincés entre les feuillets d'argile au sein même de leurs couches arables. Les arbres au sein des parcelles cultivées ou les haies vives sur leur pourtour contribuent à protéger les cultures des grands vents, à héberger des insectes utiles pour polliniser celles-ci et limiter la prolifération des insectes prédateurs.

Obstacles socio-économiques

Mais il convient de ne pas se tromper : les obstacles à la mise en œuvre de tels systèmes de production ne sont pas tant d'ordre technique que de nature socio-économique et politique.

Ils résultent des conditions imposées par les compagnies semencières et phytosanitaires situées en amont de la production agricole et des entreprises agro-alimentaires qui, en aval, souhaitent acheter à bas prix des produits standard capables d'être ensuite aisément transformés aux moyens de processus industriels de plus en plus robotisés.

À l'opposé de cette agriculture industrielle, il conviendra de promouvoir désormais des formes d'agricultures paysannes, plus artisanales et soignées. Mais ces agricultures plus diversifiées sont aussi plus exigeantes en travail et il conviendra donc de faire en sorte que les subventions de la Pac puissent désormais rémunérer correctement les paysans en relation avec la qualité de leurs produits et les services environnementaux procurés à la société dans son ensemble, à l'opposé des aides actuellement concédées en proportion des surfaces détenues par les agriculteurs !

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Commentaires 2
à écrit le 15/10/2015 à 18:31
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Dans l'idéal cette agriculture paysanne devrait pouvoir être viable et être rémunératrice sans subventions de la PAC, c'est la première réflexion qui me vient à l'idée, car comment un paysan peut-t-il vivre dignement quand il s'agit d'activités prod...

à écrit le 13/10/2015 à 12:58
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