Précarité énergétique : l'urgence est là

Selon l'Observatoire national de la précarité énergétique, ce phénomène concerne au moins 5 millions de ménages, soit 11 millions de personnes qui ont froid ou se ruinent pour se chauffer. 
Ces chiffres démontrent, s'il en était encore besoin, l'importance cruciale et le poids de ce problème. Par Véronique Gilet, directrice régionale de la Fondation Abbé Pierre.

La précarité énergétique n'est pas la même partout, et c'est particulièrement vrai en Rhône-Alpes, où les réalités ne sont pas les mêmes, en cœur de ville ou en zones de montagnes (Haute-Savoie, Savoie, Ardèche). En Ardèche et en Drôme, où 2/3 du parc de logements est occupé par des propriétaires occupants, ce sont ainsi les plus modestes d'entre eux qui sont touchés ; en Isère, Rhône ou dans la Loire, ce sont davantage des locataires modestes qui sont impactés, avec la particularité pour la Loire que les propriétaires de ces logements sont eux-mêmes impécunieux et dans l'impossibilité de faire face financièrement à la réalisation de travaux d'amélioration.

La précarité énergétique, un engrenage dangereux

Pour autant, le phénomène de précarité énergétique présente le point commun d'entraîner pour les ménages modestes, propriétaires ou locataires, un cumul de difficultés et un engrenage. L'enjeu se situe donc bien aussi dans une prise en compte, une reconnaissance du problème et des moyens pour en sortir, à l'échelle nationale.

A ce titre on ne peut envisager une transition énergétique qui ne prenne pas la mesure de cet enjeu. Or, les articles du projet de loi présenté par le gouvernement en juillet 2014, a été de ce point de vue très décevant, ne contenant même pas le terme «précarité énergétique».

>> A relire : la crise du logement gagne du terrain en Rhône-Alpes

La mobilisation d'ONG et de parlementaires a néanmoins amélioré la prise en compte de la justice sociale en intégrant au texte des dispositions partagées au sein du Débat national sur la transition énergétique.

Vers une reconnaissance de l'indépendance énergétique

La justice climatique et la lutte contre la précarité énergétique auront désormais la même place que l'indépendance énergétique dans les objectifs de la politique énergétique du pays [Titre 1er]. Cette dernière, en plus de la préservation de la santé devra garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d'accès de tous à l'énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages » et la lutter contre la précarité énergétique.
La mise en œuvre de ces principes passera par l'intégration de l'enjeu de rénovation massive et ciblée des logements occupés par des ménages modestes [Titre 2].

Deux progrès sont importants ici, même si encore insuffisants. Pour traiter les causes de la précarité énergétique il s'agit de rénover en priorité les logements « passoires thermiques » occupés par des ménages qui n'ont pas les moyens de financer seuls les travaux :

« La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes » (art. 3AA).

Davantage de moyens

Concrètement cela signifie qu'à compter de 2017 le rythme des rénovations thermique HLM devra atteindre 130 000 par an et surtout que celui des rénovations dans le parc privé occupé par des ménages modestes devra atteindre 120 000 par an (contre 50 000 avec Habiter mieux en 2014). 


Des moyens supplémentaires seront nécessaires : l'article 8 crée une nouvelle obligation « certificats d'économie d'énergie » dédiée à la lutte contre la précarité énergétique. A ce titre Mme Royal s'est engagée lors du débat en séance à ce que le volume supplémentaire de cette nouvelle obligation soit dimensionné au moins au tiers de la précédente, soit 200 à 300 millions d'euros amenées chaque année en plus par les énergéticiens.

Au-delà des moyens publics, les normes vont évoluer avec l'intégration progressive d'un critère de performance thermique pour la mise en location des logements [article 4 ter].
Enfin, dans l'attente d'avoir traité les causes, il faut bien pallier les effets avec une aide efficace au paiement des factures et éviter la privation de chauffage.

Des enjeux sociaux complémentaires des enjeux économiques

A ce titre le chèque énergie a été amélioré par l'intégration du budget de l'Etat en complément de la ressource actuelle des tarifs sociaux financés sur les factures des usagers. La contribution du budget de l'Etat permet seule d'espérer que cette mesure soit autre chose qu'un simple effet d'annonce et un saupoudrage : comment en effet sans moyens conséquents peut-on espérer aider efficacement 4 millions de ménages avec les moyens -déjà insuffisants- affectés aux 2 millions de ménages qui ont recours aujourd'hui aux tarifs sociaux? Pour le moment les signaux ne vont pas dans le bon sens et la Fondation est inquiète sur ce sujet du financement du chèque énergie.

Le travail parlementaire a donc permis une amélioration notable de la Loi, mais la mobilisation reste nécessaire pour qu'elle soit effectivement mise en œuvre le plus vite possible et déclinée sur le terrain, car l'urgence est là. L'enjeu n'est pas seulement celui d'une préoccupation sociale « à côté » des enjeux économiques, énergétiques, environnementaux, mais bien d'intégrer efficacement des mesures sociales au cœur de la transition, car la justice sociale apparaît clairement aujourd'hui comme une des conditions de sa réussite.

L'Hôtel de région de Lyon accueille ce lundi un colloque régional (Auvergne-Rhône-Alpes) portant sur la nécessité d'intensifier  la lutte contre précarité énergétique destiné aux collectivités territoriales . Ce colloque est organisé par le réseau d'associations PACT et Habitat &Développement de Rhône-Alpes et d'Auvergne en partenariat avec la FAPIL Rhône-Alpes, la Fondation Abbé Pierre, Info Energie.

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Commentaires 2
à écrit le 08/06/2015 à 13:04
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Il faudrait aussi s'attaquer au problème de la rénovation énergétique dans des copropriétés ayant un chauffage collectif dont l'individualisation de la consommation de chauffage serait très coûteuse, car il faut mettre un compteur sur chaque radiateu...

à écrit le 08/06/2015 à 12:44
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Je ne suis pas sûre que la solution soit d'allouer plus d'argent de l'Etat à la transition énergétique, mais de l'allouer plus judicieusement et de sensibiliser les gens à leur intérêt d'améliorer l'isolation de leur logement. Idées : 1. Pourquoi, ...

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