Au secours des « salauds de patrons qui réussissent »

Le supplément « spécial entrepreneuriat » que publie Acteurs de l'économie et qui sera diffusé fin juin avec le numéro 126, met en dialogue, à distance, le pape François et le patron René Ricol. De leur passionnante confrontation sur les (in)compatibilités du libéralisme et du capitalisme avec l'interprétation moderne de l'Evangile sort un éclairage lumineux sur la vocation même d'entreprendre.
(Crédits : Laurent Cerino/Acteurs de l'Economie)

« La France n'est pas une nation d'entrepreneurs. » Le sévère verdict émane non seulement d'un créateur d'entreprise (Ricol Lasteyrie) couronné de succès, non seulement d'un hiérarque des plus prestigieuses institutions françaises et internationales de sa profession (président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, de l'International Federation of Accountants), non seulement d'un « serviteur » public de la cause entrepreneuriale (président de l'Agence pour la création d'entreprise et du Conseil d'orientation de France Investissement, Médiateur du Crédit puis Commissaire général à l'investissement), mais aussi - et peut-être surtout - d'un Homme.

L'un vers l'autre

 Un Homme qui depuis plusieurs décennies met en perspective sur les leçons de l'Évangile ses réflexions, ses investigations, ses engagements, qui cherche à exercer le pouvoir, à déployer des stratégies d'entreprise, à instaurer un management en cohérence avec la Doctrine sociale de l'Église, finalement qui drape sa conscience et ses actes d'une exigence spirituelle arrimée à l'exploration du sens et de l'utilité.

A l'aune des exhortations apostoliques du Pape François, violemment contemptrices des systèmes capitaliste, libéral et marchand - coupables, à ses yeux, « d'exclusion, d'inégalités intolérables, de détérioration humaine, d'idolâtrie et de fétichisme de l'argent, de mondialisation de l'indifférence, d'un appétit d'avoir et de pouvoir tyrannique », synonymes in fine « de refus de Dieu » -, espérer accomplir cette double quête, chrétienne, de sens et d'utilité « dans » le système à ce point anathématisé, apparaît, a priori, chimérique. En réalité la lumière surgit - dans ce cas comme chaque fois qu'il s'agit de débattre de problématiques humaines, sociétales et même civilisationnelles fondamentales - lorsque la pédagogie s'impose aux dogmatismes, lorsque le sectarisme et la cécité idéologiques s'effacent devant le double devoir de didactisme et de lucidité grâce auquel le discernement domine l'aveuglement.

Le Vatican dans son intransigeance idéalisée, légitime, nécessaire et fondée, René Ricol dans son expérience protéiforme, pragmatique, éclairée et fondée des réalités, cheminent, dans ces colonnes, l'un vers l'autre.

Stigmatisation et amalgames

Or, l'expression et le mouvement l'un vers l'autre, lorsqu'on prend pour matrice la quête de sens et d'utilité, c'est bel et bien à la France vers ses entrepreneurs qu'ils peuvent être appliqués. Cette France qui certes progresse mais qui, à l'instar d'une partie de l'élite politique et du « mammouth » éducatif, se montre négligente, rétive voire hostile à l'égard de « l'esprit d'entreprendre » qu'elle emprisonne dans la petitesse, le repli, la peur d'échouer... mais aussi la peur de réussir, si l'on en juge la stigmatisation des entrepreneurs en succès (notamment financier) et les amalgames sur l'origine (spéculative, laborieuse, créative) ou les ramifications (affairisme, business angels, mécénat, etc.) des trajectoires heureuses.

Qui peut oser assimiler François Michelin au gestionnaire de hedge fund basé aux Iles Caïman ? Stigmatisation et amalgames cultivés là aussi dans l'ignorance des réalités, le poison doctrinaire, l'absence de discernement qui créent un climat délétère et, déplore René Ricol, infantilisant, déresponsabilisant, mais aussi de « jalousie. Or qu'est-ce qu'être entrepreneur si ce n'est créer dans le partage, donner du sens à la créativité, rendre service à la société ? Au nom de quoi devrait-on jeter l'opprobre sur « ces salauds de patrons qui réussissent » ? ». Une nation capable concomitamment d'encenser des footballeurs et d'admonester des entrepreneurs également rémunérés n'est-elle pas, effectivement, bien malade ? « Toute société ne progresse que si la population sait être fière de la réussite et si la jalousie est écartée des rapports humains. »

>>Découvrez notre supplément « spécial entrepreneuriat » à paraitre avec le numéro 126

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Commentaire 1
à écrit le 04/06/2015 à 19:09
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Je ne crois pas que les gens stigmatisent les personnes qui réussissent par leurs qualités , mais ceux qui gagnent de l'argent rapidement sur le dos des boites avant de se retirer ou ceux qui coulent des boites (après une réussite affichée mais pas r...

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