Ouvriers, tous des c...

Chef d'entreprise, multi-engagé dans la société civile, et musulman, Abdenour Aïnseba, auquel Acteurs de l'économie consacre la couverture de son n°125, témoigne que l'exigence inaliénable de République concentre l’essentiel des solutions aux maux du « vivre-ensemble » dans et au-dehors de l’entreprise. A condition que le principe, tout aussi capital, de « l’égale considération humaine » des citoyens soit strictement appliqué et que le sujet de « l’islam en France » soit dépollué de nauséabondes exploitations politiciennes. Le président des désormais "Républicains" (ex-UMP) l’a-t-il oublié ?
(Crédits : Laurent Cerino/Acteurs de l'Economie)

« En attisant les feux de la colère, on ne fait que nourrir la défaite morale qui précède toujours la défaite politique. Je ne nie pas la question identitaire. Mais nous avons une nation à refaire. Quelle allure aura-t-elle si l'on dresse les Français les uns contre les autres, musulmans contre non-musulmans ? ». L'auteur de cette interrogation aussi courroucée qu'inquiète n'est pas n'importe qui. Un élu Vert ou socialiste ? Non, Henri Guaino, ancien inspirateur des tirades sarkozystes des années de Présidence, confiant là, à quelques encablures du scrutin départemental, son rejet de la stratégie anti-Frontiste de son ex-employeur. Courageuse et responsable, cette déclamation sous diverses formes corroborée par quelques autres ténors de l'UMP - Alain Juppé et François Fillon notamment -, aura été étouffée par les résultats finaux qui, selon les disciples du président du parti, auront donné pleinement raison à sa tactique.

Nicolas Sarkozy sait que l'hystérique bouillonnement de l'information balaye les traces, nappe les mémoires, autorise les volte-face au gré des événements. Toutefois, l'objectif de la victoire autorise-t-il le recours à des méthodes qui affaiblissent un peu plus une société malade ? Malade des solitudes et des cloisonnements, des précarités et des inégalités, des injustices et des peurs, des ostracismes et des ségrégations de toutes sortes - générationnelles, ethniques, religieuses -, dont chaque année depuis que Jean-Paul Delevoye en est le président, le CESE produit une saisissante photographie lors de son forum annuel consacré au « vivre-ensemble ».

Laïcité n'est pas laïcisme

Or, « permettre de vivre ensemble » constitue sans doute la responsabilité la plus élevée, la plus ultime de tout dirigeant politique. Par définition inatteignable, elle réclame l'adoption préalable d'une conviction : la société a pour dessein de donner à chacun une place, sa place. La place, qui tout à la fois lui confère une contribution et une utilité, soit dimensionnée à ses potentialités, et l'engage dans l'accomplissement de devoirs. Nier cette aspiration, c'est faire le choix, admonesté par le député UMP des Yvelines à l'aune des joutes pré-électorales, d'opposer ce qui doit être rassemblé, d'ensevelir ce qui doit être appréhendé sans préjugé. Un choix particulièrement dangereux et même irresponsable au lendemain du massacre de journalistes, de juifs, et de policiers par des fanatiques islamistes, qui provoque une cristallisation sans précédent sur l'hétérogène communauté musulmane, livrée à elle-même faute de racines théologiques, de trajectoires historiques, et de tutelle officielle unifiées.

Laïcité n'est pas laïcisme, et, dans un contexte international gangréné par les idéologies terroristes, le moment tendu qu'éprouvent les musulmans de France et d'Europe exige « une responsabilité courageuse », y compris pour faire front à la redoutable instrumentalisation orchestrée par les formations politiques xénophobes, nationalistes et anti-européennes. « Responsabilité courageuse » signifiant non un apaisement béat, une cécité coupable ou des digressions élusives, mais une position exigeante et tolérante, dépouillée des poncifs et des a priori, débarrassée des bactéries sectaires ou angéliques, tout entière dans l'examen impartial et dans l'objectif de colmater ce que d'aucuns s'emploient à excaver.

Islam et France dans l'harmonie

Et c'est parce qu'en bien des points son parcours et ses convictions détonnent, son auscultation et ses préconisations sont singulières, son idéal spirituel et humaniste chemine dans le réalisme, qu'Abdenour Aïnseba honore la couverture du numéro 125 d'Acteurs de l'économie - La Tribune. Pourfendeur des postures victimaires et des rhétoriques bien pensantes, ce musulman pratiquant originaire d'Algérie partage une parole que ne motive aucune revanche personnelle, que ne soutient aucune revendication identitaire, que ne maquille aucun prosélytisme. Une parole dont la limpidité éclaire nombre d'enjeux exacerbés, manipulés et politisés jusqu'à leur paroxysme depuis le 7 janvier 2015, et qui témoigne qu'islam et France, islam et nation, islam et société, islam et laïcité s'expriment dans l'harmonie et se sustentent équitablement lorsqu'ils lorgnent un seul et même phare : la République. Cette République qui, confie-t-il, « m'a apporté les réponses chaque fois que j'étais amené à mettre en doute des situations de liberté, d'égalité, ou de fraternité ». Et cette République dans le terreau de laquelle il a fécondé des « valeurs » auxquelles l'entreprise a fourni l'engrais de l'éclosion puis de l'épanouissement.

Chef d'entreprise (société informatique d'une cinquantaine de salariés), engagé dans des causes (CJD, Ceser, dialogue social, associations humanitaires et sportives) toutes imperméables à celles dites « de diversité » qu'il exècre, Abdenour Aïnseba a en effet pavé son itinéraire dans une foi entrepreneuriale aux ramifications de laquelle il donne sens à ses « autres » fois : celles d'Homme, de citoyen, et de musulman. Une foi protéiforme, exprimée avec humilité et retenue, dévolue à « considérer l'autre » dans sa richesse et ses particularismes, avec empathie mais exigence, avec justice mais pragmatisme. Simplement avec humanité et clairvoyance, sans autre exemplarité que d'essayer d'être le moins possible dans la dysharmonie à laquelle la complexité et les apories caractéristiques de la « chose entrepreneuriale » exposent tout « patron » dans l'accomplissement de sa stratégie ou de sa politique managériale.

 Henri Guaino appréciera

« Considérer l'autre » systématiquement comme un possible allié plutôt qu'un probable ennemi, comme celui qui a priori inspire la confiance plutôt que la méfiance, comme celui qu'il faut associer plutôt qu'inféoder, accueillir plutôt que stigmatiser. Mais aussi, « lorsqu'on est patron, considérer tout aussi strictement l'humanité de l'autre, quel qu'il soit et quelle que soit sa place dans l'entreprise, égale à la sienne ». Un principe d'égalité inaliénable et fondateur du lien managérial et, tout simplement, du lien humain. Peut-être le président de l'UMP devrait-il suivre un stage dans son entreprise. Ainsi apprendrait-il à s'interdire quelques inepties, symptomatiques du prisme manichéen dans lequel ici il dessine son parti et au-delà il compartimente, hiérarchise, in fine morcelle grossièrement la société française : « Aidez-nous à faire une famille politique dans laquelle le pauvre rencontrera le riche, le rural le citadin, le jeune le plus âgé, et... l'ouvrier l'érudit. » C'était lors d'un meeting préparatoire au scrutin départemental. Henri Guaino, que sa mère femme de ménage éleva seule, aura sans doute apprécié d'apprendre que les ouvriers sont tous des c... D'aussi malheureux écarts n'ont pas leur place à l'heure où l'UMP adopte une nouvelle « identité républicaine ». Puisse cette dernière aider son encadrement à être encore plus exigeant dans son « traitement » de la société.

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