Vers un nouveau modèle de gouvernance durable

Beaucoup de modèles de management ont déjà été explorés. Aujourd'hui, dans une économie mondialisée et numérique, ils apparaissent de plus en plus dépassés. En parallèle, une demande vers plus de lien social et de partage émerge. Au sein de l'entreprise, nous allons donc vers une révolution : la 3e révolution du management. Par Philippe Rivet, directeur de l'ESDES

Les pays les plus avancés, parmi lesquels la France, sont aujourd'hui au bord du Rubicon. Beaucoup de modèles de management ont déjà été explorés pour perpétuer le primat de la performance économique et financière en vue d'atteindre une rentabilité maximale dans le délai le plus bref. L'épuisement guette et les risques s'accumulent : déréglementation, financiarisation, mondialisation, nouvelles technologies, ressources énergétiques plus chères, plus rares...

La tectonique des théories économiques

Les inquiétudes que suscitent les conséquences du « tout financier » dans la société sont de plus en plus fortes. Une grosse majorité du corps social souhaite retrouver un élément essentiel, que l'argent a trop longtemps dissimulé sous l'apparence du confort matériel : le lien social et le partage. Cela se comprend, car c'est dans cette dimension sociale que réside la genèse de la motivation de l'homme au travail, principale source de création de valeur, notamment par le biais de la propension à innover.

En 2011, Deloitte dans son étude The Millennial Survey mettait en avant le fait que 70 % des 18-26 ans se déclaraient influencés par la qualité de l'engagement d'une entreprise avant de décider d'y travailler ou non. Ce mouvement gagne l'opinion dans son ensemble, comme l'a confirmé un sondage effectué auprès de la population française en 2012 par l'Observatoire de la Performance Intégrée, structure créée par Capitalcom : 43 % des sondés considéraient l'engagement sociétal des entreprises comme un facteur de « grande importance » et même, pour 13 % d'entre eux, de « très grande importance ».

Un courant de pionniers

Les entreprises n'y sont pas insensibles puisque la plupart ont déjà tenté de se mettre à l'abri en lançant des actions dites « RSE » souvent utilisées à des fins de communication plutôt que dans le cadre de gouvernance. A présent les choses deviennent sérieuses, car avec la multiplication des structures privilégiant l'Investissement Socialement Responsable (ISR), les critères de reporting extra-financiers prennent d'ailleurs un poids croissant dans les décisions qui peuvent faire fluctuer le cours de la bourse ou le coût de financement d'un investissement...

Face à ces actions de greenwashing, commence à émerger un courant pionnier d'entreprises qui ont reconsidéré la finalité de leur activité et utilisent réellement la RSE comme outil de pilotage. Les porteurs de ce changement sont principalement les ETI et grosses PME. Compte tenu de leur taille et de leur problématique de survie dans un monde complexe, elles sont plus agiles, plus attentives au monde extérieur car leur développement en dépend ; elles produisent donc naturellement plus d'efforts que les grands groupes pour s'adapter, se transformer, détecter des opportunités et en tirer parti.

Un nouvel ordre de priorités

Il ne faut cependant pas complètement remettre en cause les fondements du capitalisme en réinventant le concept d'entreprise. Ce serait totalement improductif. L'idée serait plutôt de déplacer le centre de gravité de l'entreprise pour la recentrer non simplement sur ses objectifs, mais aussi sur sa finalité : être un objet économique à vocation sociétale.

L'entreprise n'a donc d'autre choix que d'épouser cette évolution et d'entrer dans le nouveau paradigme économique du XXIe siècle. Bien intégrée dans son écosystème, elle pourra construire une performance totale® - composite des trois dimensions économique, sociale et environnementale - et par voie de conséquence consolider sa pérennité dans cet écosystème.

Nous allons donc vers une révolution - la 3e révolution du management - qui va réorienter les facteurs, modifier leur ordre de priorité actuel. La principale difficulté réside dans la définition d'une nouvelle règle du jeu pour réguler les affaires et le management ; une règle où la gouvernance de l'entreprise élargirait la vision de sa performance économique aux dimensions sociale et environnementale ; une règle qui permettrait d'oser franchir le Rubicon !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 02/03/2015 à 18:09
Signaler
La dimension sociale au moins a été présente dans une forte proportion des entreprises depuis longtemps. Affirmer qu'il y a un renversement des priorités reste à démontrer et serait-ce le bon choix quand il est essentiel de survivre et d'être plus pe...

à écrit le 02/03/2015 à 17:55
Signaler
Merci pour cette tribune tout à fait pertinente. ISO 26 000 a très bien formalisé les recommandations pour avancer vers un modèle de gouvernance durable. Le problème, c'est que de nombreux organismes de certification et entreprises ont plus cherch...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.