Les PME, Tiers Etat permanent !

L’insuffisante théorisation des PME devient de plus en plus préjudiciable pour notre société.

99,8% des entreprises françaises sont des PME. Elles représentent plus d'un emploi salariés sur deux, auxquels il faut ajouter 2,4 millions de travailleurs non salarié (commerçants, artisans, professions libérales et chefs d'entreprises). Elles contribuent chaque année à 55% du PIB. La PME est aussi l'institution française qui inspire le plus confiance aux français (84%) selon la récente enquête « Fractures françaises ». Ce capital sympathie envers leurs PME tient aux relations de proximité que ces dernières entretiennent dans leur management. Les patrons de PME sont proches de leurs salariés, physiquement et socialement. Le salaire moyen d'un dirigeant de TPE est de 3000 euros, pour une moyenne de plus de 55 heures de travail par semaine.  

Qu'ont elles été jusqu'à présent dans l'ordre sociétal ?

Presque rien.  De manière générale, la PME pâtit d'un manque récurrent de considération et de reconnaissance dans notre société. Tout au long de la cinquième République, la classe politique, principalement issue de la fonction publique et des grands corps de l'État, a rarement consacré les PME au-delà d'un secrétariat d'État, faiblement doté comparativement à d'autres ministères.

Les médias portent aussi leur part de responsabilité. Le poids du traitement médiatique de la grande entreprise est sans commune mesure avec celui consacré aux PME. Il faut dire que les groupes sont aussi les principaux annonceurs de la presse et qu'ils ont une forte notoriété tandis que les deux millions d'entrepreneurs, souvent en solo, sont des anonymes parmi les anonymes. Difficile dans ce cas d'attirer l'attention du lecteur.

La science joue enfin un rôle dans cette ignorance des PME. Peu de disciplines consacrent leurs travaux au monde de la PME/TPE et encore moins de l'artisanat. Connaissez-vous des économistes de la PME ? Des sociologues de l'artisanat ? Des historiens du syndicalisme patronal ou du monde consulaire ? Ils sont rares. Seules les sciences de gestion ont fait une place récente au champ de la PME grâce à la montée en force de la discipline entrepreneuriale. Mais la gestion demeure encore une discipline organisée autour des grandes fonctions de l'entreprise (GRH, finance, marketing, comptabilité…) qui correspond au modèle organisationnel des grandes entreprises et pas des PME. Un dirigeant d'entreprise modeste n'a pas de DRH, de directeur  financier... De sortes que même en gestion, les connaissances ne sont pas toujours adaptées aux spécificités des PME.

Cette situation induit une méconnaissance chronique des particularités des PME et peut susciter une incompréhension croissante entre les acteurs de l'économie réelle et les élites chargées de fixer les grandes orientations macro-économiques du pays. Les diverses révoltes fiscales (pigeons, poussins, CFE, bonnets rouges…) qui se sont propagées partout en France montrent que cette méconnaissance peut se transformer en exaspération. Il faut y remédier. Tous les syndicats patronaux (MEDEF, CGPME, UPA, FFB…)  le clament haut et fort.

Que demandent-elles ?

A devenir quelque chose. Comment ? En théorisant ! On ne corrigera le manque de reconnaissance qu'en s'attaquant en amont au problème fondamental de la connaissance.  Les théorisations de la PME sont insuffisantes et pourtant nécessaires car les théories fournissent des mots, des concepts, des explications générales, des descriptions rigoureuses qui permettent de canaliser les réflexions, puis les actions. Les théories guident les pratiques, beaucoup plus qu'on ne le pense d'ordinaire. Et c'est parce qu'elles produisent des effets de généralité et d'autorité que les élites ont besoin de ces théories.

La récente inauguration du BPI le LAB va dans ce sens : donner aux théorisations de la PME une meilleure visibilité. Pour ce faire, la BPI a décidé de fluidifier ses propres données en les rendant accessibles aux chercheurs. Ces données couvrent des dizaines de milliers de PME sur une période longue. L'accessibilité de ces données longitudinales est une véritable opportunité pour les chercheurs dont une grande partie de leur temps est consacrée au montage de base de données. Une meilleure connaissance de l'innovation, des processus d'accompagnement, des modes de financements, des structures bilancielles des entreprises va révéler bien des enseignements qui pourront guider demain le décideur public mais aussi les entrepreneurs eux-mêmes.

Il faudra poursuivre dans cette voie avec d'autres initiatives. Pourquoi le RSI n'ouvrirait-il pas ses données aux chercheurs sur la santé patronale ? Dans ce domaine, les manques sont encore plus criants comme le révèle l'étude de l'INSERM sur la santé et le stress des dirigeants de PME.

 

Olivier Torres est également Président de l'Association Internationale de Recherche en Entrepreneuriat et PME

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