Roland Romeyer (AS Saint-Étienne) : "Après l’arrivée d’un investisseur, nous pourrions laisser la main"

L’AS Saint-Étienne vit une nouvelle page de son histoire depuis la rentrée footballistique en août dernier. A l’occasion d’un dossier spécial (à retrouver dans le magazine et en ligne) s’intéressant à l’évolution de sa stratégie déployée depuis quelques mois afin de pouvoir concurrencer les grandes équipes du championnat, Roland Romeyer nous a accordé un entretien exclusif. Le président du directoire définit la vision du club pour espérer "une place dans le top 5" ; aborde longuement l’objectif de l’arrivée d’un nouvel investisseur "à qui il pourrait laisser sa place" ; et "reconnaît" l’exemple lyonnais en matière de choix stratégique notamment de formation. Un entretien qui offre une meilleure compréhension des enjeux auxquels est confronté l’un des clubs les plus populaires de France.
(Crédits : DR)

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Acteurs de l'économie - La Tribune. Dans quel état d'esprit êtes-vous après le lancement de ce début de saison et une équipe de l'AS Saint-Étienne 4e au classement ?

Roland Romeyer. J'appréhendais le début de saison avec le départ de 14 joueurs, l'arrivée de 7 nouvelles recrues, un staff nouveau, Dominique Rocheteau promu directeur sportif, et une nouvelle cellule de recrutement. Nous partons sur une nouvelle ère et la situation m'inquiétait. L'AS Saint-Étienne est entré dans une importante phase de transition et pour le moment, après ce début de championnat, nous avons réussi notre pari. Néanmoins, sachons rester humbles. Nous ferons le bilan en décembre, lors de la trêve hivernale. Si cela ne fonctionne pas, nous ajusterons l'effectif.

Le club de l'AS Saint-Étienne est entré dans un nouveau cycle depuis cette nouvelle saison, pour quelle(s) raison(s), avez-vous revu votre stratégie ?

Depuis 2010, le club progresse, financièrement et sportivement, avec à chaque saison un bilan bénéficiaire. Ce qui sera également le cas pour l'exercice en cours. Ces résultats nous permettent ainsi de conforter le projet sportif. Nous sommes donc montés en puissance avec l'objectif de se qualifier pour une Coupe d'Europe. Néanmoins, nous voulons plus. Le football change de manière impressionnante, la concurrence est accrue, l'argent est roi - à mon grand regret - et huit équipes possèdent des capitaux étrangers. Nous devons donc évoluer afin de nous mettre à leur niveau et nous battre pour parvenir à rester en haut du classement. De plus, l'ancien entraîneur Christophe Galtier, nous a demandé d'arrêter un an avant la fin de son contrat, ce qui nous a obligés à rechercher un nouvel entraîneur pour cette saison en la qualité d'Oscar Garcia qui laissera plus de place aux jeunes.

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Après avoir demandé à votre ancien directeur général Stéphane Tessier (parti en 2015) d'atteindre le top 8, vos ambitions vont plus loin, car vous souhaitez accrocher le top 5 voire 3. En avez-vous les capacités ?

Nous devons être lucides. Le club a une identité, une histoire et nous avons une ambition pour une ville de football d'atteindre chaque année la qualification en Coupe d'Europe. Au départ, nous versions des primes aux joueurs, si nous terminions la saison à la 9e place. Aujourd'hui, celles-ci sont versées si nous atteignons la 5e place. Le projet est donc ambitieux, mais réaliste, d'autant plus que nous avons déjà réussi à surperformer quatre années de suite, en jouant l'Europe. Notre objectif est d'y rester alors même que la concurrence est rude. En ne jouant cette année que le championnat et les compétitions nationales, nous pouvons y parvenir.

Y compris avec un budget serré de 68 millions d'euros, le sixième de Ligue 1, loin derrière ceux des PSG, Monaco ou l'OL ?

Des clubs sont mieux armés que l'AS Saint-Étienne, mais certains laisseront des plumes en Coupe d'Europe, quand d'autres ont injecté beaucoup d'argent, mais réalisent un début de championnat compliqué. Je pense ainsi que nous avons une opportunité à saisir même avec nos moyens. La concurrence pour atteindre les 6 premières places sera difficile, mais il est possible que nous y arrivons.

Vous recherchez néanmoins un coup de pouce d'un investisseur afin d'accroître votre budget et donc de pouvoir mieux concurrencer les plus grands. Où en êtes-vous ?

Le processus est long, car nous ne voulons pas vendre notre âme au diable. Saint-Étienne a une identité et des valeurs que nous voulons sauvegarder. L'ASSE est un club à part. Nous souhaiterions bien évidemment un investisseur français, néanmoins nous sommes conscients des difficultés à convaincre. C'est la raison pour laquelle nous avons missionné la banque Lazard et le cabinet Deloitte afin de trouver le profil idéal qui s'inscrira dans le projet du club et de son environnement. Nous espérons l'avoir trouvé en 2018. Et contrairement à d'autres clubs, nous ne sommes pas en situation d'urgence, car nous ne sommes pas en difficultés.

Paris, Lyon, Monaco ou Nice disposent de territoires attractifs pour des investisseurs. Pour l'AS Saint-Étienne, est-il ainsi plus difficile de les attirer avec un environnement économique moins séduisant ?

Dans les autres clubs, les capitaux étrangers sont déjà présents dans l'écosystème, il est donc plus facile de les solliciter. À Saint-Étienne, ce n'est pas le cas. Il est certain qu'il est plus difficile de les convaincre et d'apporter des arguments contrairement à l'aura des autres métropoles. Néanmoins, nous pouvons persuader un investisseur par les valeurs du club, son histoire, sa sympathie. L'AS Saint-Étienne a toujours joué un rôle important sur le territoire à la fois social et économique. Ici, les résultats se sont faits dans la continuité. Le futur investisseur devra donc s'inscrire dans cette démarche. Les supporters ne se reconnaîtraient pas dans le club s'il y avait une rupture. À nos sponsors, ce n'est pas la Ligue des champions que nous leur vendons, mais l'image, ce que nous sommes, l'esprit populaire.

Quelle place laisserez-vous à un nouvel actionnaire, car celui-ci pourra envisager devenir président également ?

Avec Bernard Caïazzo, nous avons réfléchi à cette question. Nous voulons d'abord qu'il soit minoritaire. Cependant, nous serions prêts à nous désengager peu à peu dans les trois années qui suivent l'entrée de celui-ci, afin de laisser la main. Suivant la transaction, nous le laisserions prendre la majorité et ensuite la gouvernance. C'est pourquoi nous sommes vigilants sur le profil.

De quelle manière allez-vous utiliser la somme investie par ce nouvel entrant ?

À progresser et à pouvoir atteindre un niveau supérieur. Cet argent servira au sportif pour acheter de meilleurs joueurs, travailler dans de bonnes conditions en soutenant encore plus la cellule de recrutement et le centre de formation.

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Les prix des places pourraient-ils augmenter par la même occasion ?

Le club a avancé et grandi, en respectant toujours son identité. Un investisseur ne pourra faire table rase du passé comme les Qataris l'ont entrepris avec le PSG. Avec l'évolution de la stratégie et l'arrivée de grands joueurs, les prix des places ont augmenté pour atteindre, pour la première catégorie, 45 euros, contrairement à 7 euros chez nous. À Saint-Étienne, c'est impossible. Notre environnement économique ne pourrait pas l'absorber. À moins de résultats exceptionnels et que les personnes consentent un effort important, mais je ne pense pas qu'ils se reconnaîtront dans le club.

En mettant en place le salary cap en 2010, cette mesure a parmi au club d'assainir ses comptes à une époque où il se trouvait en difficulté. Avec vos nouvelles ambitions, allez-vous revoir cette mesure ?

Ce dispositif nous a permis de sortir d'une situation très difficile, car nous étions déficitaires. De rebondir et d'être le bon élève devant la DNCG chaque année. Cependant, le terme de "salary cap" n'est pas approprié. Je préfère parler de fixe et de variable, car nous avons l'impression sinon que les salaires sont bloqués à 90 000 euros par mois, ce qui n'est pas le cas. Certains gagnent jusqu'à deux millions d'euros annuels. Si demain, un investisseur arrive, là, nous pourrions augmenter le curseur des salaires. Pour le moment, je n'ai pas les moyens de le faire sauf à de rares exceptions. Quant à notre recrue Rémy Cabella (200 000 euros par mois, NDLR), il ne bénéficie pas de cette mesure, car il s'agit d'un prêt avec l'Olympique de Marseille, il n'a pas de primes et n'est pas assujetti aux mêmes dispositions que la plupart des autres joueurs.

Afin d'augmenter vos ressources, vous souhaitez depuis quelque temps racheter le stade Geoffroy-Guichard à son propriétaire la Métropole de Saint-Étienne. Gaël Perdriau ne souhaite pas le vendre, mais vous propose une autre solution : elle conserve sa propriété et vous la loue entièrement, toute l'année. Ce qui ne vous satisfait toujours pas. Pourquoi ?

Nous ne sommes toujours pas d'accord avec Saint-Étienne et c'est pourquoi nous avons signé avec eux une convention jusqu'au 31 décembre afin d'avancer sur les discussions. Nous avons donc jusqu'à cette date pour nous mettre d'accord. Ce que nous voulons : la maîtrise totale de l'outil de travail, cela devient obligatoire pour notre équipe et pour lutter face aux grands clubs, avec une pelouse de qualité ou encore une vidéosurveillance efficace. Aujourd'hui, nous n'avons rien de cela et ça nous pénalise.

De plus, nous aimerions développer la partie événementielle et séminaire. Aujourd'hui, Saint-Étienne est la seule à en profiter au travers d'une société qui loue les espaces du stade Geoffroy-Guichard en utilisant l'image de l'AS Saint-Étienne. Mais nous n'en tirons aucun bénéfice.

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Pourquoi, selon vous, veulent-ils garder la main sur l'enceinte ?

Geoffroy-Guichard c'est comme la tour Eiffel à Paris, il n'y a que cela qui compte pour les élus. Ils ne veulent pas laisser échapper cette maîtrise, car c'est pour leur image. Ce n'est pas normal. J'espère que nous arriverons à trouver un terrain d'entente. Nous devons penser à l'intérêt général pour le club, pour la ville, pour le territoire. Thierry Braillard, alors secrétaire d'État aux Sports, avait ainsi préconisé que les clubs deviennent propriétaires de leur stade avec des prêts cautionnés par les collectivités. Malheureusement, Gaël Perdriau ne l'entend pas de cette manière. Si nous n'arrivons pas à faire chacun un pas en avant, nous courons à la catastrophe.

Au vu de la situation stéphanoise, le projet lyonnais développé par Jean-Michel Aulas et soutenu par la Métropole de Lyon, est-il un exemple pour vous de la bonne entente entre les deux parties ?

Effectivement, le duo Jean-Michel Aulas et Gérard Collomb avec ce qu'ils ont entrepris ensemble pour développer l'Olympique Lyonnais, et donc pour le territoire de la Métropole de Lyon, est intelligent. Ils ont eu cette vision à long terme se donnant les moyens de leur ambition.

Dans votre stratégie, la formation est un facteur essentiel. L'aviez-vous mise de côté ces dernières années au profit de recrutements de joueurs ?

Cela n'a jamais été une volonté des actionnaires que nous sommes (avec Bernard Caïazzo) de la laisser de côté. Seulement, ce sont les entraîneurs qui font jouer ou non des jeunes. Un entraîneur souhaite du court terme et des résultats. Il préfère des joueurs expérimentés plutôt que des jeunes. Néanmoins, prenez l'exemple de l'OL. Ils ont mis des jeunes de leur centre de formation à un moment où ils étaient en pleine évolution, ils l'ont payé pendant quelques matchs, puis la mayonnaise a pris et ça les a sauvés. Ils ont même réussi à faire d'importantes plus-values sur certains lorsqu'ils les ont revendus. C'est ce que nous entendons faire.

Les jeunes vont nous coûter quelques points au départ, mais vont s'aguerrir et seront bons. Un club comme le nôtre n'a pas les moyens d'aller chercher de grands joueurs donc la formation est primordiale. C'est pourquoi le centre de formation dispose d'un budget, en hausse, compris entre 6 et 7 millions d'euros.

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Est-ce aussi parce que l'investissement passé en recrutement n'a pas eu les effets escomptés ?

Nous n'avons pas toujours fait des recrutements parfaits, et avons commis quelques erreurs. Nous souhaitons réaliser moins de recrutements et trouver de meilleurs profils, plus compétents, et ce, dès le plus jeune âge. Notre cellule de recrutement s'est ainsi étoffée et nous avons étendu notre champ d'action.

Sur le dossier Carvalho, Roland Romeyer n'a pas souhaité répondre à nos questions.

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