"L'Ecole des mines de Saint-Etienne veut accompagner 250 entreprises"

Pascal Ray dirige l'Ecole des mines de Saint-Etienne depuis plus de deux ans. Il a récemment présenté le plan stratégique de l'établissement pour les cinq prochaines années. Son objectif : intégrer le top 10 des écoles d'ingénieurs françaises. Un peloton actuellement trusté par les écoles parisiennes. Pour y parvenir, Pascal Ray entend attirer les étudiants en proposant un accompagnement individualisé. Il souhaite également positionner l'Ecole des Mines comme un laboratoire-clé de l'industrie du futur grâce à la création de quatre plateformes industrielles. Entretien.
Pascal Ray : "Nous devons absolument travailler sur le lien entre formation, recherche et innovation".

Acteurs de l'économie - La Tribune : Quand vous êtes arrivé en fonction à la rentrée 2014, votre ambition était de faire de l'Ecole des mines de Saint-Etienne (EMSE) la "meilleure école d'ingénieurs en dehors de Paris" à l'horizon de cinq ans. Avec le recul, considérez-vous que cet objectif soit toujours réalisable ?

Pascal Ray : On peut toujours discuter les critères d'un classement, mais cela reste toujours un indicateur intéressant. Or, l'Ecole des mines de Saint-Etienne est bien positionnée au niveau national, entre la dixième et la treizième place selon les palmarès. Dans celui de l'Usine Nouvelle, par exemple, nous avons gagné sept places en l'espace d'un an. En tant que directeur, mon ambition reste la même : faire entrer l'école des Mines de Saint-Etienne dans les dix premières écoles, qui sont, à ce jour, toutes parisiennes.

Dans le plan stratégique 2017-2021 de l'établissement, votre ambition est également que l'école soit reconnue au niveau international parmi les meilleures "technological universities". Cela est-il réellement possible ?

En effet, nous avons fait évoluer notre discours en affichant une ambition très tournée vers l'international. Depuis le 1er janvier, notre école fait partie de l'institut Mines-Télécom, un établissement public qui regroupe huit écoles et plus de 13 000 étudiants, soit une taille comparable à celle d'établissements étrangers très prestigieux tels que le MIT ou l'université de Stanford.

L'Ecole des mines de Saint-Etienne n'est-elle pas plus une école de dimension régionale voire nationale ?

Notre école est rattachée à l'Institut Mines-Télécom, sous tutelle du ministère de l'Industrie et non pas le ministère de l'Enseignement supérieur. Nous sommes donc en prise directe avec le monde de l'entreprise. Nous sommes le bras armé de notre tutelle. Et, à ce titre, nous nous devons de participer au développement économique de la région Auvergne Rhône-Alpes, mais aussi de Provence-Alpes-Côte-d'Azur où nous disposons d'un second campus, sur la commune de Gardanne (Bouches-du-Rhône).

Cela dit, l'Ecole des mines de Saint-Etienne n'est pas qu'un établissement régional. Il se positionne pleinement sur le plan national, notamment en termes de placement des étudiants. En fait, cela varie selon les diplômes. Sur notre cursus historique d'ingénieur civil des mines, le recrutement et le placement se font au niveau national et international. Notre cursus en microélectronique et informatique de Gardanne recrute au niveau national et le placement varie du régional à l'international.

Enfin, nous proposons sept masters dispensés à 100 % en anglais, ainsi que quatre diplômes en alternance en partenariat avec l'ISTP (Institut supérieur des techniques de la performance) pour lesquels la moitié du recrutement et du placement se fait au niveau régional. Au final, on irrigue les territoires à différents niveaux.

Quelle est selon vous la place de l'Ecole des mines de Saint-Etienne dans la nouvelle région Auvergne Rhône-Alpes ?

Notre école s'est construite depuis 200 ans à Saint-Etienne. Elle a un rôle particulier à jouer sur ce territoire. Personnellement, je suis un fervent défenseur de l'axe Lyon - Saint-Etienne. Nous avons un certain nombre de collaborations, notamment avec l'université Lyon 1, l'Insa et Centrale Lyon. Par ailleurs, je viens moi-même de la région de Clermont-Ferrand et nous entretenons depuis un certain nombre d'années des contacts avec l'école d'ingénieurs Sigma. Nous travaillons ensemble sur le volet manufacturing. Dans la nouvelle région, peut-être pourrions-nous jouer le rôle de courroie de transmission entre Clermont-Ferrand et Lyon, mais je n'y crois pas tellement car les deux villes sont désormais reliées directement par l'A 89.

L'environnement de l'enseignement supérieur et de la recherche est en profonde mutation. Dans un contexte de compétition internationale et de concentration accrue des établissements, quels sont, selon vous, les principaux défis à relever pour une école comme l'EMSE ?

Notre défi est double : il s'agit pour nous d'être performant tant sur le plan régional qu'international. Nous devons conserver un fort ancrage dans les deux régions où nous sommes présents. Parallèlement, au niveau de l'institut Mines-Télécom, nous portons des collaborations à l'étranger. Nous réfléchissons notamment à une implantation en Afrique. Une piste est en cours d'exploration en Côte d'Ivoire. L'objectif est de pouvoir former des jeunes sur place afin que les entreprises qui souhaitent s'y installer puissent trouver les compétences nécessaires. C'est en Afrique que le potentiel industriel à l'horizon 2030 est le plus élevé, et c'est là aussi qu'il y a le plus de jeunes à former.

Dans votre nouveau plan stratégique, vous insistez sur la nécessité d'individualiser les parcours des étudiants. Comment y parvenir ?

A travers notre offre de formation, nous voulons en effet que chaque élève puisse construire son propre parcours, de manière très individualisée. Pour cela, nous allons mettre en place un accompagnement au quotidien afin que chaque étudiant puisse développer sur trois ans un parcours tant personnel que professionnel. C'est quelque chose que l'on trouve davantage dans la culture des écoles de management. Pour nous, cette innovation pédagogique doit être un élément différenciant vis-à-vis des autres écoles d'ingénieurs.

Par ailleurs, nous souhaitons accompagner davantage nos étudiants dans leur mobilité professionnelle. En effet, il y a très peu de probabilité que ceux-ci ne fassent toute leur carrière dans la même entreprise ni dans le même pays. C'est pourquoi nous allons développer ces prochaines années un offre de formation continue qui permettra à nos anciens élèves, comme aux salariés des entreprises du territoire, de faire évoluer leurs savoirs.

Vous insistez sur la nécessité d'améliorer la qualité du recrutement des étudiants. Pour cela, il faut gagner en attractivité. Comment comptez-vous y parvenir ?

Aujourd'hui, nous proposons six diplômes d'ingénieur accessibles sur concours à partir de bac + 2. Ce que nous voulons, à travers l'individualisation des parcours, c'est donner un positionnement différenciant à l'école en vue d'attirer un plus grand nombre de candidats, améliorer ainsi le niveau de recrutement et progresser dans les classements. Mais gardons à l'esprit que l'excellence n'est pas l'élitisme. Ici, sur 1 700 élèves, nous avons 28 % de boursiers.

Actuellement, on parle beaucoup de l'industrie du futur, à savoir la transformation du modèle industriel par le numérique. Comment abordez-vous cette tendance ?

L'enjeu c'est d'aider les entreprises industrielles dans leur transition digitale. Cela passe par leur accompagnement et la formation des salariés. Nous travaillons déjà avec l'UIMM, le Cetim (Centre technique des industries mécaniques) et des entreprises tant locales que nationales. A cela, nous ajoutons une troisième dimension : celle du design industriel qui est pour nous un autre élément de différenciation. Notre objectif est de bâtir un partenariat, côté école, avec l'Ecole supérieure d'art et design de Saint-Etienne (Esadse) et, côté entreprise, avec la Cité du design.

Nous devons absolument travailler sur le lien entre formation, recherche et innovation. Nous avons des compétences fortes en matière de recherche au niveau international. La question maintenant est de savoir comment, à partir de ces savoir-faire, nous pouvons opérer un transfert technologique. Pour cela, nous allons mettre en place quatre plateformes industrielles dans le cadre de notre programme Mines Saint-Etienne tech.

L'idée est d'associer, dans une unité de lieu, une plateforme industrielle, des pédagogies innovantes et un volet entrepreneuriat. La première plateforme sera créée autour du génie des procédés. Elle pourrait être implantée sur Lyon si la fusion avec l'Ecole supérieure de chimie, physique et électronique (CPE) aboutit. La décision sera prise d'ici avril. Une seconde plateforme verra le jour sur le campus de Gardanne début 2018 autour de l'Internet des objets. Une troisième, fin 2018, sera créée sur le thème du manufacturing sur le campus industriel PCI-Scemm, à Saint-Etienne, et une quatrième à l'Hôpital Nord traitera de la médecine du futur. Il y aura des liens entre ces quatre plateformes et chacune intégrera la dimension du design industriel.

Sur le volet manufacturing, nous allons rassembler des centres techniques (Cetim, CEA), des établissements d'enseignement supérieur (Enise, Esadse, Télécom Saint-Etienne), l'UIMM ainsi que des industriels régionaux et nationaux. Cette plateforme sera accessible aux partenaires et aux entreprises. Elle permettra à ces dernières de n'avoir qu'un seul interlocuteur, une seule porte d'entrée. Notre objectif à cinq ans est d'accompagner 250 entreprises avec nos plateformes industrielles.

L'Ecole des mines de Saint-Etienne a pour spécificité de disposer de la Rotonde, un Centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) ouvert à tous. Quelle peut être son utilité dans cette nouvelle stratégie ?

Nous sommes en effet la seule école à posséder un tel équipement. Il est clair que la Rotonde participe au travail sur l'industrie du futur car elle a pour vocation de faire le lien entre l'industrie et la société, de mettre en place les bonnes conditions du dialogue entre ces deux entités. Notre rôle est aussi de redonner ses lettres de noblesse à l'industrie, car, sans elle, il ne peut y avoir d'activité de services. Or, quand on entend parler d'industrie, c'est rarement pour évoquer une success story. En organisant des expositions dans et hors les murs, la Rotonde est un outil qui doit nous aider à démystifier l'industrie et à présenter ce qu'est l'industrie du futur.

Dans votre plan stratégique, vous insistez sur la nécessité de mobiliser les équipes pour renforcer le positionnement de l'école. C'est même l'un de vos axes majeurs. Comment ?

Nous sommes déjà habitués à travailler en mode projet. L'objectif est de systématiser cette approche pour parvenir à une organisation véritablement performante et au service de nos ambitions. Nous devons donner du sens à ce que nous faisons pour que le personnel de l'établissement se sente pleinement impliqué et co-responsable. C'est dans cette optique que nous avons organisé, le 21 juin dernier en Ardèche, un événement au cours duquel nous avons réuni le personnel (administratif, technique, enseignant et de direction) des deux campus de l'école. Nous y avons également associé les étudiants ainsi que les parties prenantes extérieures (industriels, collectivités locales...). Des groupes de travail tirés au sort ont planché sur des thèmes variés concernant l'avenir de l'établissement. Cela a produit d'excellents résultats et nous comptons réitérer l'expérience au cours du printemps 2018. Le fruit de ce travail a servi de base à l'élaboration de notre plan stratégique.

En termes de management, mon objectif est de mettre en place une dizaine d'indicateurs de pilotage de l'établissement. Ils sont en cours d'élaboration. Il pourra s'agir par exemple du chiffre d'affaires généré avec les entreprises ou encore de la qualité de vie au travail.

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Commentaire 1
à écrit le 20/03/2017 à 8:56
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Bonjour. Je suis ingénieur africain résident en France. Je souhaite savoir si votre école est intéressée par l accompagnement des projets innovants sur le continent Africain ?. Le secteur minier est porteur de matières et technologies capables de...

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