J.L Desjoyaux : "Déposer 3 à 5 brevets par an pour inventer de nouvelles piscines"

Jean-Louis Desjoyaux, 63 ans, a intégré l'entreprise familiale éponyme en 1971. Il est aujourd'hui le PDG du leader mondial de la piscine enterrée, qui emploie 180 salariés à Saint-Etienne et fait travailler 5 000 personnes dans le monde. Après un long passage à vide au cœur de la crise économique, l'entreprise ligérienne a redressé la barre, en automatisant sa production, en réorganisant sa R&D et en développant l'international qui représente aujourd'hui un tiers de son activité. Le tout en conservant un ancrage local fort.
Jean-Louis Desjoyaux : "Nous espérons retrouver notre niveau d'avant-crise en 2017-2018".

Acteurs de l'économie - La Tribune : Après le début de la crise économique, Piscines Desjoyaux a connu une longue traversée du désert qui l'a vu chuter de 100 à 68 millions d'euros de chiffres d'affaires entre 2007 et 2013. Depuis, les indicateurs de l'entreprise ont repris une courbe ascendante. Comment expliquez-vous cette capacité de résilience ?

Jean-Louis Desjoyaux. Nous avons bien résisté parce que nous avons investi au total 50 millions d'euros avant et pendant la crise. Sur l'exercice 2007-2008 (l'entreprise clôture ses comptes au 31 août, ndlr), nous avions fabriqué 14 500 bassins. A cette époque, nous avons investi dans la fabrication de moules, la modernisation et l'automatisation de l'outil de production de notre usine stéphanoise. Notre objectif était d'accroître la capacité de production à 25 000 bassins par an.

Bien nous en a pris, car nous sommes tombés à 6 000 - 7 000 bassins en 2013, et le fait d'avoir drastiquement réduit nos coûts de production et de revient nous a permis de ne devoir procéder à aucun licenciement. Nous avons géré la situation au sou près, en maîtrisant au mieux nos frais fixes, si bien que, malgré la crise, nous ne sommes jamais descendus en dessous des deux millions d'euros de résultat net après impôt.

Le dernier exercice devrait se clôturer sur un chiffre d'affaires consolidé de 82 millions d'euros assorti d'un excellent résultat financier. Nous sommes encore loin de notre pic à 100 millions d'euros avec 10 millions de résultat net lors de l'exercice 2007-2008, mais nous espérons retrouver notre niveau d'avant-crise en 2017-2018.

Sur les neuf premiers mois de l'exercice, le chiffre d'affaires de l'entreprise s'est établi à près de 60 millions d'euros, soit une progression de plus de 25 %. Est-ce, selon vous, une tendance durable ?

Je suis toujours optimiste, mais il faut aussi savoir rester prudent, car nous sommes sujets, sur certains marchés, aux aléas géopolitiques. En 2007-2008 par exemple, il y a eu la crise grecque, la bulle immobilière espagnole, le terrorisme en Egypte... Aujourd'hui, je pense que l'on est reparti sur une croissance raisonnable de 5 à 10 % par an. L'Egypte a retrouvé des couleurs, l'Allemagne, l'Espagne et l'Asie -en particulier le Vietnam- se portent bien.

Notre objectif est de réaliser la moitié de notre activité à l'export via notre réseau d'importateurs et de filiales. Je pense que l'on peut aller chercher cet objectif à l'horizon de cinq ou six ans. Actuellement, nous sommes présents dans 85 pays et 35 % de notre chiffre d'affaires est généré à l'international. C'est conséquent, mais cela ne suffit pas. A 50 % nous serons bien plus à l'abri des changements économiques et géopolitiques.

Pour cela, nous devons multiplier les nouvelles destinations et faire croître nos filiales. Par exemple, nous ne sommes pas encore présents en Turquie ni dans les pays du Nord de l'Europe alors qu'il s'y construit beaucoup de piscines. Nous avons encore du travail à faire.

Comment se porte le marché français ?

Il se porte bien. Aujourd'hui en France, on dénombre douze millions de jardins, soit sept millions de cibles potentielles dont 1,2 million déjà équipées. Autant dire qu'il reste de la marge de manœuvre. Notre stratégie est de travailler sur de nouvelles gammes afin que les ménages puissent s'offrir une piscine avec équipements et accessoires, et ce quel que soit leur budget : autour de 6 000 euros, de 13 000 euros et au-delà de 15 000 euros.

Pendant la crise, il y a eu une forte guerre sur les prix. La concurrence a également changé. Auparavant, l'achat d'une cheminée ou d'une seconde voiture étaient nos premiers concurrents. Depuis la crise, les artisans du bâtiment s'y sont mis et les coquistes qui vendent des piscines en polyester se sont développés.

Face à cela, nous avons décidé de mettre en œuvre une politique de prix agressive. De 12-13 % de parts de marché actuellement, nous visons les 20 % d'ici trois ou quatre ans. Cela passera par la création de 20 à 25 points de vente supplémentaires qui s'ajouteront à nos 160 concessionnaires exclusifs répartis sur le territoire. Nous sommes d'ailleurs en cours de recrutement d'un responsable de réseau pour mettre en œuvre cette stratégie de développement.

Cette politique tarifaire agressive s'est concrétisée l'an passé par une campagne de communication très axée sur les prix, notamment un spot télévisé diffusé sur les chaînes du groupe M6 et certaines chaînes de la TNT. Cela a-t-il eu l'effet escompté ?

Quand j'ai remarqué en février-mars 2015 qu'il nous manquait deux millions d'euros de chiffre d'affaires par rapport à l'exercice précédent, nous avons décidé de lancer un produit de gamme intermédiaire à 12 500 euros. D'emblée, nous en avons vendu 500 sans communiquer. Puis, grâce au spot publicitaire, nous en avons écoulé 1 250 l'an dernier. Sur les deux premiers mois de l'exercice en cours, nous en avons encore vendu 575. C'est un bon score.

Vous avez récemment réorganisé l'activité de R&D. Dans quel but ?

J'ai commencé par séparer la recherche et le développement car le fonctionnement qui était en place ne me convenait pas. Cela n'allait pas assez vite à mon goût. Certains produits attendaient de sortir depuis des années. Mon objectif est de générer de la croissance en créant de nouveaux appétits clients.

Dans cette optique, j'ai repris en direct la recherche il y a un an et demi. Selon moi, pour être un homme de recherche, il faut savoir écouter ses collaborateurs, ses clients, son réseau. Il faut avoir l'expérience et la passion du produit. Depuis que j'ai repris en main cette activité, nous n'avons jamais sorti autant de nouveaux produits. Cela faisait quatre ou cinq ans que nous n'avions pas déposé de brevet. A la fin de l'année, nous en aurons déposé cinq. Notre objectif est de déposer chaque année trois à cinq brevets internationaux.

Desjoyaux est une entreprise familiale. Va-t-elle le rester à l'avenir ?

L'histoire de l'entreprise a commencé dans la région stéphanoise avec la création par mon grand-père d'une entreprise de carrelage. Mon père l'a rejoint dans les années 1950 avant de créer sa propre entreprise en 1965. L'année suivante, il construisait sa première piscine. Je suis arrivé dans l'affaire en 1971. Nous nous sommes mis à faire exclusivement de la piscine au début des années 1980. Au final, les trois premières générations ont davantage travaillé dans le bâtiment que dans la piscine à proprement parler. C'est pour cela que je me définis davantage comme un entrepreneur que comme un industriel.

Aujourd'hui, nous transmettons le flambeau à la quatrième génération, à savoir mon neveu et ma nièce Thomas Jandros, responsable des achats et Marion Jandros, assistante commerciale, ainsi que ma fille Fanny, responsable marketing et communication, et mon fils Nicolas, directeur du commerce pour la France et l'international. Mon frère Pierre-Louis développe le marché de l'Asie du Sud-Est à partir de Phuket. C'est important pour moi de rester indépendant. Mais pour cela, il faut que les rôles de chacun soient bien définis. Tout se passe bien en général. Il y a peu de frictions. Nous ne mélangeons pas le professionnel et le privé.

Et puis, appelons un chat un chat : il faut une autorité. Car la démocratie en entreprise ne marche que si elle est autoritaire. Certes l'actionnariat est familial, mais si nous n'avions pas trouvé les compétences nécessaires au sein de la famille, j'aurais nommé des managers, sans aucun état d'âme.

L'entreprise restera-t-elle toujours attachée à la région stéphanoise ?

Nous employons 180 salariés à notre siège de La Fouillouse, au Nord de Saint-Etienne. Nous avons un attachement viscéral au territoire stéphanois. Pour moi, le plus beau pays du monde, c'est la plaine du Forez. C'est vrai que je pourrais décider d'aller m'installer ailleurs pour des raisons fiscales, mais je suis Français et je suis Ligérien. Nous sommes des terriens. Personnellement, j'habite dans la plaine du Forez, je possède un troupeau de charolaises, des vignes à Chavanay et je préside le club de football L'Etrat La Tour sportif.

Tout cela, ce sont nos racines. Nous vivons dans un endroit fabuleux. C'est un très beau département et je me plais beaucoup ici. Et puis, géographiquement parlant, l'entreprise est bien placée par rapport à la France et même à l'Europe. On ne bougera jamais d'ici.

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