G.Cassagnau : "Geolid entrera en Bourse le moment venu"

Geolid est l’une des startups les plus en vue du moment. Avec sa technologie digitale, elle bouscule les codes du marché traditionnel de la publicité locale et n’hésite pas à faire de l’ombre aux Pages Jaunes. Son co-fondateur Gautier Cassagnau, un Toulousain expatrié à Lyon depuis bientôt dix ans, nourrit l’ambition d’installer son entreprise au premier rang européen d’ici 2020.

Acteurs de l'économie : Depuis la création de Geolid il y a cinq ans, l'entreprise ne cesse de connaître une croissance de ses exercices et de ses effectifs grâce à un modèle cassant les codes de la publicité locale. Quelle est votre particularité face à des concurrents présents historiquement sur ce marché ?

Gautier Cassagnau : dernier bastion où le web n'était pas encore présent, la publicité locale est en train de muter vers un nouveau modèle. Cela fait 40 ans que des commerçants et dirigeants de petites entreprises dépensent leur argent pour de la publicité chez Pages Jaunes mais aussi dans la presse quotidienne régionale ou pour des flyers. Mais avec internet, les comportements utilisateurs ont été complètement bouleversés et les outils historiques ne fonctionnent plus comme avant. Tout le monde le sait, y compris les principaux concernés.

Cependant, sur un marché longtemps en manque d'offre, il n'y avait pas de véritable alternative. C'est pourquoi nous avons créé Geolid avec Guillaume de Neuvier. Nous avons souhaité casser les codes à l'instar de Free sur le marché de l'internet et de la téléphonie, face à des acteurs qui réalisent 200 à 300 millions d'euros de chiffre d'affaires voire un milliard comme Pages Jaunes.

Par quel moyen êtes-vous parvenu à faire évoluer les mentalités de ces clients habitués à communiquer sur des supports plus traditionnels ?

Un commerçant qui fait de la publicité, il ne le fait pas pour sa notoriété, mais pour acquérir de nouveaux clients. Une différence notable entre une campagne nationale et locale. À notre création, nous passions encore du temps à leur expliquer qu'il fallait être sur internet. Aujourd'hui, nous n'en parlons quasiment plus. C'est ancré. Néanmoins, le marché de la publicité locale, représentant dix milliards d'euros en France, est à 90 % off-line, c'est-à-dire sur les médias traditionnels. Pour parvenir à gagner des parts de marchés, nous sommes donc capables de proposer aux clients une autre solution : « Si vous avez investi 500 euros chez nous ce mois-ci, nous, nous vous avons généré 60 appels téléphoniques ».

Avec notre système de call traking, nous leur permettons ainsi de générer en moyenne cinq euros de chiffre d'affaires pour un euro investi. Chez nos concurrents, c'est 50 centimes générés. Conclusion : le client perd de l'argent en investissant dans les supports traditionnels. L'an dernier, nous avions 2 000 clients et réussi à leur générer 700 000 appels.

Entreprise relativement jeune avec plus d'une centaine de salariés, comment s'attaque-t-on à un marché monopolisé par les puissantes Pages Jaunes ?

Nous ne couvrons pas tous les clients donc nous ne sommes pas en concurrence frontale sur l'ensemble des marchés sur lesquels ils se positionnent. De plus, ils possèdent encore l'annuaire papier. Notre panier moyen est à 5 000 euros environ. En dessous de 4 000 euros, nous estimons qu'il est difficile d'être efficaces sur internet. C'est pour cela que nous avons investi ce segment. Nous sommes sur 80 métiers représentant 200 000 entreprises en France et dix fois plus en Europe. Donc nous préférons continuer à être excellents dans notre métier plutôt que d'aller partout et nous perdre.

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(Gautier Cassagnau et Guillaume de Neuvier)

Évoluant dans un marché porteur en France et face à des résultats financiers positifs, quelle est l'ambition de Geolid ?

De 2009 à 2010, Geolid est passée de zéro à un million d'euros de chiffre d'affaires. Entre 2011 et 2014, nous sommes passés d'un à 10 millions en nous déployant dans les grandes villes françaises. Aujourd'hui, nous sommes portés par le challenge d'atteindre les 100 millions d'euros à 2020 avec 400 salariés. Nous bénéficions pour cela de notre technologie, d'un marché porteur et d'actionnaires qui nous soutiennent et nous permettent d'avoir les moyens de nos ambitions. D'autant plus que nous sommes à l'équilibre depuis l'an dernier.

Désormais, nous souhaitons rapidement grossir sur ces deux prochaines années en doublant de taille en France, et ensuite en devenant leader européen. Dans chaque pays, nous avons ainsi repéré des startups du web réalisant moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires, que l'on pourrait racheter. Nous pensons légitimement que nous avons une place à prendre puisque la concurrence est aux États-Unis, en Asie et en Amérique Latine, mais pas en Europe. Pages Jaunes, malgré le fait que ce soit une belle entreprise, n'a pas la volonté d'être européen ni d'être un pureplayer.

Avec comme objectif de devenir leader européen sur le marché de la publicité locale en ligne, de quel moyen financier avez-vous besoin ?

Nous savons que nous devrons d'abord faire évoluer la culture de l'entreprise vers une internationalisation des équipes. Mais cette ambition passera surtout par de nouvelles opérations financières. En 2015, nous devrons donc, à nouveau, réaliser un tour de table auprès de nos investisseurs actuels (A Plus Finance, Hi Inov et bpifrance, NDLR), à la fois par de l'augmentation de capital et de l'endettement.

Imaginez-vous que votre startup puisse faire appel aux marchés boursiers dans un futur proche ?

Lorsque nous serons bien implantés en Europe, nous irons en Bourse en y entrant par la grande porte. Aujourd'hui, nous considérons que c'est encore trop tôt, nous ne sommes pas prêts.

Vous dirigez l'une des startups les plus en vogue du moment. Vous êtes d'ailleurs souvent cité en exemple comme l'une des pépites françaises. Comment gère-t-on cela lorsque l'on est un patron de 30 ans ?

Geolid n'est pas encore au niveau et à la taille que j'attends. Quand je regarde l'entreprise, je vois uniquement les points à améliorer et je ne me dis pas : "génial". Je suis en insatisfaction permanente mais je pense que c'est aussi ce qui fait progresser la société. Dans les valeurs de l'entreprise, on parle ainsi de simplicité au sens humilité. D'ailleurs, malgré la bonne santé de l'entreprise, je continue de rouler en Clio et j'ai toujours un petit bureau.

150 salariés bientôt 400, quel rapport entretenez-vous avec vos collaborateurs dont certains sont parfois plus âgés et possèdent peut-être plus d'expérience que vous ? Quelles valeurs leur transmettez-vous ?

Je suis très exigeant, mais j'essaye aussi de communiquer et d'être transparent sur la stratégie de l'entreprise. Je demande à tous : professionnalisme, simplicité et plaisir. Ce sont les valeurs qui animent la société. Des valeurs que j'applique à moi-même afin d'être exemplaire. J'estime que mon travail et ma mission doivent d'être au service de la réussite des collaborateurs. Par exemple, lorsque je vais chercher de nouveaux financements, c'est aussi pour permettre à nos équipes de pouvoir grandir et progresser.

Historiquement, vous avez toujours été entourés par des chefs d'entreprise à l'expérience affutée. D'abord, Guillaume Decitre, dirigeant des librairies éponymes, puis désormais un trio d'entrepreneurs. Pourquoi ce choix ?

Geolid est la seule entreprise dans laquelle j'ai travaillée. Je n'ai jamais mis les pieds dans une autre. Ce qui a l'avantage de ne pas avoir de schéma préconçu, mais l'inconvénient, de posséder un manque d'expérience. Avec mon associé, depuis le départ, nous avons donc toujours eu la volonté d'être entourés. Historiquement et pendant trois ans, Guillaume Decitre nous a suivis. C'est d'ailleurs à lui que l'on doit une grande partie du succès de Geolid. Désormais, c'est un petit comité de trois personnes qui nous accompagnent : Patrick Bertrand de Cégid, Laurent Fiard de Visiativ et Yves Poivey d'Eras. On se réunit régulièrement de 7 h à 9 h du matin afin qu'ils nous orientent au mieux. Grandir rapidement amène des déséquilibres permanents qu'il faut savoir gérer.

Après avoir échoué au concours de Sciences Po et à l'oral de Normal Sup, vous avez opté finalement pour l'école de commerce EMLYON. C'est à ce moment-là qu'est née votre envie d'entreprendre ?

J'ai toujours été passionné par internet donc je savais que je travaillerais dans ce secteur. Arrivé à l'EMLYON après mes tentatives ratées pour entrer à Sciences Po et Normal Sup, j'ai été vice-président et rédacteur en chef du guide le Petit Paumé (700 000 euros de budgets, 3 000 clients, NDLR). Une expérience que j'ai vécue comme si je devais gérer moi-même une société. À ce moment, je voulais donc combiner à la fois internet et entreprise. Avec Guillaume de Neuvier, rencontré à l'école, nous avions alors créé Voisineo.

Un concept annonçant ce qu'allait être Geolid plus tard...

Nous avions déjà l'idée d'être sur le marché de la publicité locale. Nous voulions faire un Facebook des voisins en créant une communauté de « voisinautes » avec laquelle artisans et commerçants puissent communiquer. Mais en 2007, Facebook explose dans le monde, il était trop difficile de le contrer. Difficile aussi d'arriver avec seulement 3 000 euros, de créer un projet BtoC et une marque.

Nous avons donc décidé de transformer notre modèle comme cela peut se faire habituellement dans le parcours de vie d'une entreprise. Prenez Critéo, ils ont changé cinq fois de modèles avant d'arriver là où ils en sont. C'est d'ailleurs souvent ce que l'on demande à un entrepreneur de savoir pivoter et de s'adapter. C'est ce que l'on a fait. Voisineo est donc devenu Geolid.

À cette époque, vous avez multiplié les concours, et en avez réussi certains. Ces différentes initiatives ont-elles été un argument favorable auprès des banques pour financer de votre startup ?

Au départ, nous étions de jeunes étudiants qui avions créé une entreprise dans le web. Nous avions donc cherché une légitimité en faisant des concours. Cela nous a donc permis de nous faire connaître au sein d'un écosystème. Mais cela n'aide pas à obtenir des financements. Le label n'est pas un indicateur auprès des banques et des investisseurs qui préfèrent regarder d'abord et avant tout les tableaux Excel et les Power Point.

Vous n'avez donc pas rencontré de difficultés à financer votre société ?

Si votre projet est bon, les financements suivent. Les banques font leur métier et je ne pense pas qu'elles soient là pour prendre des risques sur des projets d'entreprise. Le problème en France, c'est qu'il n'y a pas assez de business angels et d'investisseurs privés. Donc, lorsque des créateurs se retrouvent dans la phase de création, ils vont solliciter des banques, alors qu'ils devraient naturellement voir des business angels. Mais il s'agit d'un problème culturel, fiscal et juridique. Si l'on gagne un peu d'argent, il vaut mieux acheter une œuvre d'art qu'investir dans une entreprise. C'est extrêmement grave ! Il faudrait davantage inciter culturellement et fiscalement à de l'investissement dans les petites entreprises.

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Vous vous considérez comme un chef d'entreprise de gauche. Par le passé, vous avez même été engagé auprès du Mouvement des jeunes socialistes mais en êtes ressorti critique vis-vis de la politique. Quelle expérience en tirez-vous ?

J'en suis parti car ils diffusaient une vision du chef d'entreprise très critique, c'était insupportable de continuer. Je suis un passionné de politique et après y être entré, j'ai plus été convaincu que je pouvais changer le monde en créant mon entreprise qu'en adhérant à un parti politique. Être dirigeant, c'est une forme d'engagement sociétal, à travailler plus pour les autres.

Et pourtant, l'image du chef d'entreprise est souvent critiquée...

Le chef d'entreprise a une légitimité à s'exprimer dans la cité. Lorsqu'il défend des idées, il ne les défend pas pour lui, mais il défend son entreprise. Et défendre son entreprise, c'est défendre ses salariés, ses clients, etc. Cependant, depuis longtemps, la voix du chef d'entreprise est associée à sa situation personnelle. Le Medef et la CGPME ont trop souvent mélangé les combats individuels du chef d'entreprise, sur les questions de la fiscalité notamment, plutôt que les combats pour leur propre structure. Donc lorsque je regarde les organisations patronales et le jeu politique, cela ne me donne plus envie. Dans mon entreprise, il n'y a rien de politique. On se dit les choses. Tous méritent leur place. C'est un peu l'inverse de l'image que j'ai eue de la politique. Ainsi, aujourd'hui, je ne me verrai pas prendre du temps pour cet engagement, j'aurais l'impression de le perdre.

Acquérir une expérience politique voire plus largement une connaissance plus grande du monde environnant, permet-elle de poser un autre regard sur l'entreprise ?

L'une des qualités d'un chef d'entreprise réside dans ses connaissances en culture générale plus que de culture économique. J'en suis persuadé. Il faut comprendre le monde dans lequel on évolue pour pouvoir gérer son entreprise. Je demande ainsi à mes managers de lire beaucoup, de s'ouvrir et rencontrer des gens autant que possible.

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Commentaires 2
à écrit le 20/02/2015 à 20:46
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Enfin un chef d entreprise dote d une vision positive de l avenir qui ne se plaint pas de la fiscalite et du temps de travail. Il a parfaitement integre que la richesse de son entreprise etait ses salaries. Un Destin a la Xavier niel.

à écrit le 19/02/2015 à 19:04
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