Climat anxiogène autour de l'assurance-vie ?

Au-delà du contexte des taux d'intérêt peu favorable, une nouvelle mesure pourrait geler les rachats sur contrat d'assurance. Explications par Philippe Charton, directeur de l'ingénierie financière et patrimoniale, CIC Banque privée.

Les taux de rendements des fonds euros chutent de façon durable et inéluctable en raison de la baisse prolongée des taux d'intérêt. Le rendement moyen des portefeuilles obligataires, principal actif des fonds euros, est ainsi progressivement dilué par l'achat d'obligations offrant une rémunération très faible et très inférieure au taux de rendement moyen des portefeuilles existants. Au-delà de ce contexte de taux peu favorable, que penser d'une nouvelle mesure qui pourrait geler les rachats sur contrat d'assurance ?

La loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dans son article 21 bis, étend les compétences et renforce les pouvoirs du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) en matière de régulation des activités de crédit et d'assurance. Il pourra prendre à titre conservatoire plusieurs mesures à l'égard d'une partie de l'ensemble des organismes d'assurance pour préserver la stabilité du système financier. Ces mesures conservatoires ne constituent en rien une innovation puisqu'elles peuvent déjà être prises compagnie par compagnie par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Ainsi, le HCSF pourrait :

- Limiter temporairement l'exercice de certaines opérations ou activités, y compris l'acceptation de primes ou versements ;

- Suspendre ou restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ;

- Limiter temporairement la distribution d'un dividende aux actionnaires, d'une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d'une rémunération des parts sociales aux sociétaires ;

- Suspendre, retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d'arbitrages ou le versement d'avances sur contrat pour une durée limitée (pour une période de trois mois renouvelables).

D'aucuns y voient une menace sur l'assurance-vie pour les épargnants qui ne pourraient plus récupérer leur épargne en cas de crise majeure.

Attractivité

Pourquoi une telle mesure ? L'objectif du législateur est d'imposer aux assureurs de conserver en réserve des capitaux par la constitution d'un coussin de fonds propres et d'éviter  une décollecte par rachat massif des souscripteurs en cas d'une brusque remontée des taux. Dans cette situation, les souscripteurs pourraient demander massivement le rachat de leurs contrats pour percevoir une meilleure rémunération. Ce qui mettrait en péril les compagnies d'assurance obligées de vendre de façon précipitée, et pas dans les meilleures conditions, leur portefeuille en moins-value pour rembourser les porteurs avec un risque d'illiquidité. Ce texte vise en fait à renforcer le dispositif de protection de l'épargne en préservant les intérêts des épargnants et la solvabilité des assureurs. C'est le gage de la pérennité des compagnies d'assurance et donc des avoirs des souscripteurs.

Il convient de rappeler qu'il s'agit de mesures exceptionnelles en vue de prévenir des risques représentant une menace grave et caractérisée pour la stabilité du système financier avec un encadrement très précis sous le contrôle du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel, et une limitation dans le temps qui n'ont pas pour objectif de bloquer de façon arbitraire et permanente les capitaux investis dans les contrats d'assurance-vie.

L'assurance-vie reste attractive et conserve encore de nombreux atouts patrimoniaux et fiscaux. Elle est le placement idéal pour répondre à trois objectifs principaux : valoriser des capitaux en neutralité fiscale, percevoir des revenus complémentaires faiblement fiscalisés notamment en vue de la retraite, organiser et programmer la transmission de son patrimoine.

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