Réforme du Code civil : le piège du renouvellement par tacite reconduction

Par Sophie Déchelette-Roy et Stéphane Vital-Durand  |   |  658  mots
La réforme du Code civil (ordonnance du 10 février 2016), qui modifie notamment le droit des contrats, sera applicable à compter du 1er octobre 2016. Par conséquent, à compter de cette date, leur rédaction devra prendre en compte ces nouvelles règles, soit pour les appliquer, soit pour écarter celles qui ne sont pas impératives. Mais que se passe-t-il pour les contrats conclus avant cette date et qui sont encore en application au 1er octobre ? Par Sophie Déchelette-Roy et Stéphane Vital-Durand Avocats associés Colbert Avocats.

La réforme du Code civil (ordonnance du 10 février 2016), qui modifie notamment le droit des contrats, sera applicable à compter du 1er octobre 2016. Par conséquent, à compter de cette date, leur rédaction devra prendre en compte ces nouvelles règles, soit pour les appliquer, soit pour écarter celles qui ne sont pas impératives.

Mais que se passe-t-il pour les contrats conclus avant cette date et qui sont encore en application au 1er octobre ? Rien ou presque rien : ces contrats restent régis par la loi "ancienne", telle qu'elle était avant la réforme et ce, jusqu'à leur échéance. Ils se poursuivent donc jusqu'à leur terme sans être impactés par la réforme, ce qui peut durer plusieurs années. De même, les contrats à durée indéterminée conclus avant le 1er octobre se poursuivent, sous le régime du droit des contrats avant réforme, jusqu'à leur résiliation qui peut être très lointaine. Ces contrats vont ainsi constituer une survivance de la loi ancienne qui va coexister avec la loi nouvelle.

Quid de la tacite reconduction ?

Et en cas de renouvellement  (ou reconduction) ? La loi nouvelle est immédiatement applicable au contrat renouvelé. Si le renouvellement fait l'objet d'un avenant, les parties seront avisées de prévoir, dans cet avenant, les incidences de l'application de la loi nouvelle. A défaut, les parties se retrouveraient liées par un contrat rédigé selon la loi ancienne mais régi, depuis sa reconduction, par la loi nouvelle. Ce risque est particulièrement fort si son renouvellement s'opère par tacite reconduction, sans aucune action des parties. En effet, la tacite reconduction est automatique, elle résulte de l'inaction des parties qui n'ont pas dénoncé le contrat pour empêcher la reconduction. Rien ne vient alors alerter les parties au contrat sur le fait que l'équilibre initial de leurs relations peut être modifié, à leur insu, par l'entrée en application de la réforme à leur contrat tacitement renouvelé.

L'une des parties peut d'ailleurs avoir intérêt à ce qu'il en soit ainsi, au détriment de l'autre partie. À titre d'exemple, la réforme a introduit la prise en compte, dans les contrats, de l'imprévision (art. 1196) qui est possibilité de remettre en cause le contrat du seul fait d'une évolution de l'environnement, notamment  économique. Les dispositions de cet article sont supplétives et peuvent donc être écartées si les parties le souhaitent. Mais pour le contrat renouvelé tacitement, aucun document ne viendra écarter l'application  de ces nouvelles dispositions.

Renégociation

Dans le cas d'un contrat de fourniture, visant à assurer un approvisionnement de longue durée, un changement de circonstances pourrait être constitué par une augmentation forte et imprévisible du coût d'une matière première. En l'absence de clause particulière, sous la loi ancienne, ce risque était supporté par le fournisseur qui devait assumer la charge de l'augmentation du coût des matières premières et continuer à livrer le client au prix initialement convenu. Le client, pour sa part, avait la garantie de pouvoir s'approvisionner au prix indiqué au contrat, quelle que soit l'évolution du coût des matières premières.

En cas de reconduction d'un tel contrat après le 1er octobre, cet équilibre sera renversé au détriment du client et au profit du fournisseur, ce dernier pouvant demander une renégociation du contrat pour tenir compte de l'augmentation du cours de matières premières. Le client perd ainsi, à compter de la reconduction, la sécurité de pourvoir s'approvisionner à un prix défini. Pour que le fournisseur supporte de nouveau le risque d'évolution du prix des matières premières, il est nécessaire, à compter du 1er octobre prochain, de mentionner explicitement dans le contrat que ce risque est supporté par le fournisseur et que les parties conviennent d'écarter les dispositions du nouvel article 1196 du Code civil.