Négociations commerciales 2016 : un rééquilibrage difficile

Malgré l'ensemble des dispositions visant à rééquilibrer les négociations commerciales entre les différents acteurs, l'exercice 2016 a été encore difficile. Il a été rythmé par une guerre des prix, notamment dans le secteur agro-alimentaire. Par Anne-Sophie Uccello-Jammes, Avocat Associé, cabinet LexCase.

Les négociations commerciales 2016 se sont achevées il y a quelques jours pour les industriels qui y sont soumis. Elles sont strictement encadrées depuis la loi dite LME du 4 août 2008.

Pour mémoire, l'article L.441-7 du code de commerce impose, depuis la loi précitée, la signature d'une convention unique annuelle entre tout fournisseur et distributeur ou prestataire de services avant le 1er mars de chaque année, fixant le résultat de leur négociation commerciale.

La convention doit préciser :

-          les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix ;

-          les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services s'oblige à rendre tout service propre à favoriser la commercialisation des produits vendus par le fournisseur et qui ne relève pas des obligations d'achat et de vente ;

-          les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale.

Une loi qui exacerbe les tensions

Le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences fixées par ces dispositions est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

La date butoir du 1er mars introduite par la loi précitée avait exacerbé les tensions entre distributeurs et fournisseurs. Le rapport de force jouait en faveur des distributeurs, notamment de la grande distribution, et ce malgré la notion de déséquilibre significatif introduite par la même loi (permettant de sanctionner les clauses ou pratiques abusives imposées par tout producteur ou commerçant).

Les différents apports législatifs postérieurs ont essayé d'atténuer ce phénomène.

Palier de négociation supplémentaire

La loi dite Hamon du 17 mars 2014 a introduit un palier supplémentaire afin d'étaler la durée des négociations, et a ainsi créé une obligation spontanée pour le fournisseur de communiquer ses conditions générales de vente (CGV) au plus tard 3 mois avant la date butoir du 1er mars, soit avant le 1er décembre (lorsque la signature d'une convention unique est nécessaire).

Elle a également introduit un encadrement de la rédaction de la convention unique plus rigoureux, en imposant que ladite convention indique le barème de prix initial du fournisseur qui a servi de base à la négociation, les réductions de prix telles qu'elles découlent des négociations opérées et les modalités de consultation de ce barème. Par conséquent, sauf à se voir sanctionner selon les modalités précitées, les parties ont l'obligation d'annexer à leur convention le barème de prix communiqué par le fournisseur.

Dans cette tentative de rééquilibrage des rapports de force, la loi précitée semble également avoir voulu renforcer le poids des CGV des fournisseurs en précisant que ces dernières constituent désormais "l'unique" socle des négociations.

De nouvelles pratiques abusives

Dans cette même perspective, de nouvelles pratiques abusives ont été introduites (article L.442-6 du code de commerce) :

-          La prohibition des clauses de garantie ou de compensation de marge : le code de commerce a été modifié de telle façon que les demandes supplémentaires en cours de contrat "visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité" constituent un avantage sans contrepartie visé par l'article L.442-6-I-1° et sont donc constitutives d'une faute.

-          La facturation ou la commande à un prix différent du prix convenu : le nouvel article L.442-6-I-12° prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur le fait de "passer, de régler ou de facturer une commande de produits (...) à un prix différent du prix convenu" résultant soit des CGV si elles ont été acceptées sans négociation, soit de la convention prévue à l'article L.441-7 du code de commerce.

 Garde fou en faveur des fournisseurs

La notion de déséquilibre significatif, sanctionné par l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce et introduit, comme précédemment indiqué, par la loi dite LME, était également censée constituer un garde fou en faveur des fournisseurs. Elle ne visait pas à sanctionner tout déséquilibre, ou toute différence de traitement, mais le déséquilibre qui serait proche de l'abus.

De nombreuses décisions ont été rendues sur ce fondement, que ce soit à l'initiative du ministre chargé de l'économie ou des parties au contrat elles-mêmes. Le pouvoir des juges est très large en la matière et va encore être étendu avec l'entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations. De fait, les distributeurs, déjà sensibilisés au risque ou à la notion, devront être d'autant plus précautionneux.

Loi Macron

Enfin, la loi du 6 août 2015 dite loi Macron, a alourdi les peines sanctionnant les pratiques restrictives de concurrence visées à l'article L. 442-6 du code de commerce (parmi lesquelles le déséquilibre significatif).

L'amende civile de 2 millions d'euros prévue à cet article peut, comme avant, être portée au triple du montant des sommes indument versées, mais également désormais, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, portée à 5% du chiffre d'affaires réalisé en France par l'auteur des pratiques sanctionnées lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques sanctionnées ont été mises en œuvre.

Malgré l'ensemble des dispositions précitées, visant à rééquilibrer les relations, les négociations 2016, tout comme l'année dernière, semblent avoir été rythmées par une guerre des prix et se sont encore vues qualifiées d'extrêmement difficiles, notamment dans le secteur agro-alimentaire.

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