De la perte de la qualité d'associé dans les SAS

Consacrant une notion d' "éviction" de l'associé, distincte de celle de l' "exclusion", la décision prise à l'automne 2015 par la Cour de cassation réjouira les praticiens qui ne manqueront pas de multiplier les clauses d'éviction, s'affranchissant ainsi des contraintes et des limites liées à la clause d'exclusion. Par Henri-Louis Delsol, Avocat associé, Delsol Avocats

Les associés de sociétés par actions simplifiées souhaitent fréquemment organiser en amont les modalités de sortie d'un associé en cas de mésentente ou pour toute autre raison qui leur appartient. Deux moyens de contraindre un associé au départ sont habituellement utilisés par les praticiens : la clause d'exclusion et la promesse de cession de titres.

Les modalités actuelles

En effet, d'une part, la loi autorise expressément les associés d'une société par actions simplifiée à prévoir qu'un associé sera tenu de céder ses actions dans des situations prédéfinies ; cette clause d'exclusion devra nécessairement être insérée dans les statuts et elle devra faire l'unanimité lors de son adoption comme lors de sa modification.

D'autre part, la pratique des promesses de cession de titres s'est répandue ; une telle promesse peut figurer dans les statuts, mais elle peut aussi et surtout figurer dans un pacte d'associés si l'on souhaite lui assurer une certaine confidentialité. La distinction entre les notions de clause d'exclusion et de promesse de cession de titres a pu paraître un temps très théorique. En effet, quelle qu'en soit la qualification juridique, la clause contraignant un associé à céder ses titres aboutit au même résultat : l'associé concerné perd sa qualité d'associé et les droits qui y sont attachés.

Toutefois, la Cour de cassation devient de plus en plus stricte sur l'application des clauses statutaires d'exclusion, en exigeant par exemple le respect des droits de la défense et en prévoyant la nullité des clauses d'exclusion privant l'associé concerné de son droit de vote (sur sa propre exclusion).

Éviction

C'est dans ce contexte qu'au printemps 2014, la Cour de cassation a affirmé que l'engagement pris dans un pacte par un associé conférant à un autre associé "une option d'achat de ses droits sociaux en cas de cessation de ses fonctions devait recevoir la qualification de promesse unilatérale de vente" (Cass. com., 6 mai 2014, n°13-17.349).

Cet engagement était donc validé, bien qu'il ne respectait aucune des conditions de validité d'une clause d'exclusion, ne figurant pas dans les statuts et ne prévoyant pas de manière suffisamment précise ses motifs et ses conditions de mise en œuvre.

Les choses se compliquent davantage à l'automne 2015 puisque la Cour de cassation considère dorénavant que la clause selon laquelle tout associé cessant d'être salarié perd dès ce moment sa qualité d'associé constitue non pas une clause d'exclusion, mais une clause d'éviction (Cass. com., 29 septembre 2015, n°14-17.343).

Consacrant une notion d' "éviction" de l'associé, distincte de celle de l'"exclusion", cette décision - surprenante - de la Cour de cassation réjouira les praticiens qui ne manqueront pas de multiplier les clauses d'éviction, s'affranchissant ainsi des contraintes et des limites liées à la clause d'exclusion.

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