Pour des innovations radicalement douces

Des formes d'innovations nouvelles deviennent visibles et intéressent les médias parce qu'elles interpellent les consommateurs et plus largement les citoyens. Leur impact va souvent bien au-delà du service rendu, car ces innovations sont aussi des marqueurs de l'évolution de notre société. Par Alain Asquin, vice-président de l'université Jean-Moulin Lyon 3, directeur de l'innovation et du développement
Alain Asquin

On peut citer pêle-mêle la diffusion des formules low-cost, un co-voiturage régulé susceptible de concurrencer le train, des plateformes de financement participatif, la mise en place de circuit-courts, l'écriture collaborative d'une encyclopédie ouverte et gratuite, ou la réinvention des logiques d'entraide par exemple pour des petits travaux non solvables pour les artisans, etc. On qualifie ces innovations de « non technologiques » ou de « low tech »... mais pourquoi les définir d'abord par ce qu'elles ne sont pas ?

Innovations de rupture

La difficulté à nommer un processus interroge le référentiel que nous pouvons mobiliser pour le penser et témoigne de son emprise sur nos représentations et nos actions. La récente synthèse de bpiFrance « Innovation Nouvelle Génération » donne quelques illustrations de ces « autres » innovations qui sont sociales, organisationnelles, de marché, de produit ou d'usage, mais aussi de modèle d'affaire. Notons que ces innovations exigent de ceux qui les engagent une capacité à comprendre et à interroger nos schémas d'organisation sociale et économique.

On comprend mieux alors le défi de conception que représente la transformation d'une courbe de valeur qui ose remettre en cause les caractéristiques d'une offre que chacun considérait jusque-là comme incontestables, comme la sacro-sainte propriété d'un produit, pour se concentrer sur ses fonctionnalités et le paiement à l'usage. De même, s'il est admis que l'innovation par le modèle d'affaire créée les plus fortes ruptures, c'est qu'elle exige de repenser l'ensemble des rôles dans le système de génération de valeur et de réussir à développer de nouvelles conventions entre les acteurs.

Logiques de valorisation

Les innovations les plus significatives seront donc probablement issues d'un travail de conception nourri de compétences socio-économiques puisées dans les sciences humaines et sociales que l'on qualifie parfois de « douces » ou de « molles », comme on voudra, comparativement aux sciences « dures ». Pourtant, on peut constater sur le terrain que ces innovations ne sont prises en compte que si elles viennent en accompagnement d'innovations technologiques. Elles ne sont pas, au sens propre, vues comme des innovations « majeures » et restent sous la tutelle de la technologie. Le problème tient clairement aux logiques de valorisation utilisées dans les phases amont, souvent centrées sur le brevet.

Il faut inventer et tester d'autres référentiels permettant notamment de valoriser la qualité de l'organisation, du management et de la conduite de projet des entrepreneurs afin que les innovations socio-organisationnelles soient enfin financées pour elles-mêmes. Une première étape serait déjà de consacrer des ressources matérielles et financières pour ces entrepreneurs qui soient à l'échelle de ce qui est injecté pour l'innovation technologique. Et il faut le faire sans tarder !

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