"Le capital immatériel ? D’abord un état d’esprit"

Le mathématicien Cédric Villani et le chef d'orchestre Daniel Kawka étaient les invités d’une rencontre organisée par Acteurs de l'économie - La Tribune, en partenariat avec la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes, le 28 octobre, à la Fondation Mérieux (Veyrier-du-Lac). Ensemble, le lauréat de la médaille Fields et le fondateur de l’ensemble Ose ont échangé autour du capital immatériel, sous la houlette de Jean-Jacques Nillès. Ou comment des valeurs peuvent créer de la valeur.

D'emblée, Daniel Kawka fait résonner le capital immatériel avec la musique, "cet art sonore évanescent, rayonnant, ineffable". Un art à l'épicentre duquel se trouve l'œuvre, transmise de manière intime et profonde, de soi à soi. Une œuvre dont il s'agit de livrer au public une conception et une vérité, celle d'un homme : le chef d'orchestre, dont un des buts est de faire entrer l'esprit et l'âme de l'œuvre en résonance avec les musiciens. Le chef d'orchestre comme révélateur d'un bien immatériel en quelque sorte.

Livrer au public une conception et une vérité

"L'œuvre n'a réellement d'existence qu'une fois la rencontre accomplie avec les musiciens de l'orchestre et le public, au terme d'un parcours intérieur."

Pour permettre ces rencontres et les multiplier, Daniel Kawka a fondé Ose, un orchestre symphonique de 80 musiciens. Avec un dessein :

"Démocratiser la musique symphonique comme en son temps Jean Vilar a su démocratiser le théâtre. À  savoir, notamment, permettre la mobilité de la structure, de l'ensemble symphonique, pour sortir des temples corrélés par le symphonique. Cela oblige à interroger nos moyens d'investigation territoriale pour aller toujours plus près des publics."

Comme une entreprise toujours soucieuse de ses clients.

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Daniel Kawka, chef d'orchestre (crédit : Laurent Cerino/ADE)

De la réputation et des hommes

Qu'est-ce qu'une entreprise d'ailleurs, interroge à son tour Cédric Villani, mathématicien ? Quelles sont les choses les plus importantes pour une entreprise, sinon sa réputation et ses hommes ? Pour le lauréat de la médaille Fields, plus haute distinction internationale en mathématiques, "le capital immatériel relève d'abord et peut-être surtout d'une forme particulière d'état d'esprit".

Cet esprit d'entreprise qui fera la différence entre deux structures similaires et concurrentes. Et à la tête de ces structures, le chef d'équipe, le manager, incarne l'organisation. À l'écoute, il doit être celui capable d'expliquer et de commenter l'action, mais aussi de régler les conflits en s'appuyant sur un système de valeurs dont il est le garant. Et Daniel Kawka de rebondir sur ce rôle du chef, historiquement autocratique lorsqu'il est à la tête d'un orchestre. De chef d'ailleurs, il n'aime pas l'appellation.

"Je préfère le vocable anglo-saxon « conductor », celui qui conduit les idées et les partage avec le collectif, mais celui qui est aussi capable de prendre en compte les propositions de ce collectif."

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Cédric Villani, mathématicien (Crédit : Laurent Cerino/ADE)

Système de valeurs

Cette capacité du manager repose sur des dispositions particulières et un système de valeurs (immatérielles) qui permet de créer de la valeur (matérielle). Au premier rang desquelles, pour Daniel Kawka, figure le respect, "valeur fondatrice de toute relation de confiance. Un respect de l'œuvre d'abord en tant que chef d'orchestre, mais aussi de chaque personne et de chaque personnalité qui compose l'orchestre symphonique". Le respect donc, auquel s'ajoutent la justice et l'humilité, qui doivent procéder à chacun de nos actes, tout en faisant preuve de psychologie et d'écoute. Mais un respect auquel doit aussi se mêler continûment une forme d'irrespect, tient à relativiser Cédric Villani.

"L'irrespect est une valeur cruciale dans la recherche, en ce qu'il permet de remettre en cause la vérité établie, au bénéfice de la recherche d'une autre vérité. Atteindre cette nouvelle vérité nourrit la fierté du travail bien fait et constitue un levier primordial du management."

À condition qu'à chaque étape d'un processus décisionnel, la manager sache reconnaître quand il se trompe, décider vite et être présent. Des qualités qui feront de lui un bon manager, s'accordent le mathématicien et le chef d'orchestre, avant de chacun édicter trois règles d'or dans le management et la conduite d'un projet. "Ne jamais s'arrêter, sortir des cases et laisser faire hasard et sérendipité", pour le mathématicien, "caresser les utopies, transmettre le savoir que l'on détient et toujours s'excentrer", pour le chef d'orchestre.

Retrouvez le reportage de 8 Mont-Blanc dans le JT du 29 octobre 2015 :

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