Poursuivre ses utopies, c'est possible

Peut-on diriger des hommes en poursuivant ses utopies ? C’était ce 27 février, la question posée dans le cadre du cycle du dialogue "philosophie et management" proposé par l’IAE et Acteurs de l’Economie-La Tribune. La réponse s’est avérée encourageante, rassurante.
La conférence du 27 février était animée par Bernard Jacquand

Tekhnê Architectes, agence d'architecture et d'urbanisme (15 personnes, chiffre d'affaires 1,5 million d'euros) se veut d'entrée de jeu ancrée dans l'utopie : «contextualisation, convivialité, soutenabilité forment le fonds doctrinal de notre travail, nous agissons avec beaucoup d'utopie », témoigne Christian Charignon un des cofondateurs. Par exemple ne rien lâcher sur la soutenabilité environnementale d'un projet, quitte à ce que la facture finale soit plus chère. « L'efficience économique ne doit pas tout diriger, nous expliquons aux maitres d'ouvrage que l'économie est au service des sociétés humaines, de la sphère environnementale et non le contraire ».

Sagesse chinoise

Ce discours ne pouvait que réjouir Jean-Jacques Wunenburger, professeur de philosophie générale à l'Université Lyon 3 et créateur d'un master « éthique et développement durable ». « C'est idéal pour un philosophe d'échanger avec un architecte, nous avons le même métier finalement, la construction de l'homme. »

Conférence Utopie

Jean-Jacques Wunenburger, professeur émérite de philosophie générale à l'Université Lyon 3. (Crédits photos : Emmanuel Foudrot/ADE)

Lui aussi pourfend l'omniprésence des lois du marché, la rentabilité à tout prix et rappelle cette utopie que chacun devrait poursuivre : s'engager dans un métier porteur de valeurs « et très important, avoir une vue d'ensemble de sa place dans la société et dans le monde. En insérant notre histoire personnelle et professionnelle dans un tout, nous trouvons l'harmonie, valeur chère aux Grecs et à la sagesse chinoise ».

Logique de laminoir

Christian Charignon concède que poursuivre ses utopies impose des renoncements, par exemple sur le montant des salaires et explique qu'à taille égale, il pourrait doubler son chiffre d'affaires. Objectif possible si il acceptait de passer sous le rouleau compresseur de la standardisation qui sévit à tous les étages de son métier : «logement, école, hôpital... tout le monde doit entrer dans la même boîte, si vous sortez de ce schéma, vous perdez le concours. Les donneurs d'ordre sont entrés dans une logique de laminoir ». Pourtant depuis 25 ans, les équipes de Tekhnê s'entêtent, défendant par exemple les constructions en bois pourtant plus chères mais piégeuses de CO2. Et parvient à trouver des donneurs d'ordre en phase avec ses utopies ; « il existe des marges où s'invente le futur, Tekhnê accepte de vivre dans ces marges ».

Conférence Utopie Christian  Charignon

Christian Charignon, cofondateurs de Tekhnê Architectes. (Crédits photos : Emmanuel Foudrot/ADE)

Le philosophe prône de son coté non pas une mais des utopies car sinon on frôle l'idéologie totalitaire, celle qui détiendrait la seule vérité sur la manière de rendre les gens heureux. « Il faut une pluralité des réponses aux besoins humains de vivre et d'habiter ensemble. Pour cela la porosité entre l'imaginaire et le rationnel m'apparaît bénéfique, l'architecte est bien placé pour cela ».

L'utopie, c'est fatiguant

Dans cette optique, Christian Charignon s'impose un exercice qu'il juge indispensable à son rôle de leader : tous les 5 ans, il fait un pas de côté et s'interroge sur des questions essentielles. Pourquoi Tekhnê existe ? A quels besoins fondamentaux de la société, l'entreprise répond-elle ? Des questionnements partagés avec ses collaborateurs car l'utopie portée par un seul ne marche pas. Elle doit être transmise, partagée, reprise par les énergies autour de soi. Jean-Jacques Wunenburger le concède, « l'utopie c'est difficile, fatiguant. Avons nous l'énergie, chaque jour, de vouloir changer le monde ? »

Pour Christian Charignon, l'exercice a une limite : la concrétisation de l'utopie, le terrain. « Je dis à mes équipes, OK mais pas toutes les utopies. Il faut être un pas devant mais pas deux, sinon on ne construit rien, on reste dans le concept, l'architecture de papier. Réfléchissons, expérimentons et revenons au terrain ».

>>Retrouvez l'intégralité de la conférence en vidéo avec notre partenaire

Iae de Lyon

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Commentaire 1
à écrit le 03/03/2015 à 22:31
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Présente, je remercie chaleureusement l'architecte de son professionnalisme et de son engagement. Quant au philosophe: l'harmonie chinoise vue, revue et corrigée... Bref, où est la philosophie? Conclusion, quelle déception de constater que les rôle...

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