Faire de l'entreprise un lieu où l'on est heureux

Réunis à l'EMLYON dans le cadre du cycle de conférences « Tout un programme » à l'invitation d'Acteurs de l'Economie-La Tribune, Emmanuelle Duez, présidente de WoMen'Up, et Robert Misrahi, philosophe, ont échangé autour de la quête du bonheur en entreprise. Pour s'apercevoir qu'elle ne pouvait se départir d'une quête de sens.
Emmanuelle Duez et Robert Misrahi les deux intervenants de cette conférence.

Soixante ans les séparent, leurs réflexions les rapprochent. Robert Misrahi, philosophe, et Emmanuelle Duez, présidente de WoMen'Up, étaient réunis à l'invitation d'Acteurs de l'Economie-La Tribune pour échanger, sous la houlette de Pierre-Yves Gomez, professeur de Stratégie à l'EMLYON, autour de la quête de bonheur en entreprise, dans le cadre du cycle « Tout un programme ». Pour Robert Misrahi, le bonheur est d'abord un accomplissement de soi. Il correspond à une pleine autonomie dans ses actions, son mode de vie et ses pensées. Il dépend ensuite d'une capacité à la jouissance de vivre.

« Toutes les jouissances mènent à l'état de bien-être », pose Robert Misrahi. Il relève enfin d'une forme de réciprocité, de réversibilité : « Ce qui est vrai, ce qui est juste pour moi l'est aussi pour l'autre », décrit le philosophe. Emmanuelle Duez prolonge cette définition du bonheur en le circonscrivant à l'entrepreneuriat. « Entreprendre, c'est simplement être heureux. L'entreprise n'est pourtant pas pourvoyeuse de bonheur. Le vrai moteur, c'est l'accomplissement de soi. » L'aspiration à être heureux en entreprise n'est pas si simple. « Kiffer en entreprise, a fortiori dans l'entreprise classique, semble mission impossible. »

Emmanuelle Duez, présidente de WoMen'Up. (Crédits photos : Emmanuel Foudrot).

Opérer une conversion

« Être entrepreneur aujourd'hui, c'est d'abord croire en ses rêves. C'est aussi prendre des risques. C'est enfin participer à une création », établit Emmanuelle Duez, qui distingue entrepreneur et gestionnaire. L'entrepreneur doit se réaliser en créant. « C'est un sacerdoce, une philosophie de vie, un moyen de se réaliser. C'est pourquoi nous nous sommes pas tous et ne pouvons pas tous devenir entrepreneur. » Mais tous nous pouvons prétendre à accéder au bonheur en entreprise. « Il est une condition indispensable, un préliminaire fondamental que tout individu doit accomplir pour accéder au bonheur : il s'agit d'opérer une conversion, un changement radical d'état d'esprit, d'attitude intérieure, dans nos pensés, nos actions et nos comportements », assène Robert Misrahi.

Une fois cette conversion réalisée , la distanciation et l'autonomisation, constitutifs du bonheur, sont possibles. « Pour mon épanouissement, je serai capable de décider moi-même de mon poste et de mon activité », décrète le philosophe. Il est nécessaire que l'ensemble de l'entreprise change d'état d'esprit en même temps, pour modifier radicalement le rapport à l'autre. Car ce n'est pas la compétence qui fait la valeur, mais bien l'individu. Et cette valeur est la même d'un individu à l'autre.

TUP que du bonheur MIsrahi

Robert Misrahi, philosophe. (Crédit photo : Emmanuel Foudrot).

Précarité et court-termisme

Il faut changer soi-même avant de pouvoir prétendre accéder au bonheur au sein de l'entreprise. « Il est donc possible d'être heureux en entreprise », se réjouit Emmanuelle Duez. Le préalable consiste à transformer l'entreprise pour en faire un lieu d'épanouissement personnel. C'est une aspiration forte de la jeune génération qui la différencie des générations qui l'ont précédée, davantage inscrites dans une logique sacrificielle dans son rapport au travail. La génération actuelle ne peut plus compter sur la sécurité à long terme.

Elle a intégré la précarité dans son mode de fonctionnement et se voit contrainte de réduire sa vision au court-termisme. Le besoin d'être heureux est donc plus prégnant et immédiat. Et, privé d'une possibilité de projection, l'on attend en conséquence de l'entreprise qu'elle soit un lieu d'épanouissement personnel et professionnel, et ce dans le court-terme. « Il faut donc aider l'entreprise à devenir un lieu de kiffe », préconise la jeune entrepreneuse. Pour cela, il fait transformer les modèles managériaux, les modèles de leadership et les organigrammes pour que l'entreprise soit pourvoyeuse de bonheur pour ses collaborateurs. En d'autres termes, réinventer l'entreprise de l'intérieur.

Donner du sens

Cette réinvention doit permettre de donner du sens à l'action, là encore condition nécessaire au bonheur. « À quoi sert mon action ? À quoi sert mon entreprise ? » sont des questions fondamentales et nouvelles que formulent une jeune génération en quête de sens. « L'individu et l'entreprise en tant qu'objet social doivent trouver et donner du sens à leur action. » Ces questionnements sont nouveaux. Ils émergent dans un contexte de mondialisation des échanges. Interroger le sens permet là encore de transformer l'entreprise pour en faire un lieu d'épanouissement pour le capital humain, sans oublier que l'entreprise demeure un objet économique dont le but premier est de créer de la richesse et dont la rentabilité constitue un impératif.

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